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Annapurna

Les bruits portent loin en montagne, et je l’ai entendu venir bien avant de l’apercevoir vraiment. Ensuite, je l’ai reconnu tout de suite. Mais, avouons que cette nouvelle petite gueule bizarre, un peu en vrac, qu’il trimballe maintenant sous sa casquette, aide plutôt à la reconnaissance faciale…

— … Jour ! Alors, on se promène… ?!

— Non, pas vraiment… je traverse la France…

— Ah… tiens donc, la France ?

— Oui, mais en diagonale !

— Comme le fou sur l’échiquier ?!

— Ouais… ouais… c’est un peu ça !

Il s’arrête à mon niveau, s’appuie sur son bâton, bien essoufflé, le coco. À ce rythme-là, sûr et certain qu’il n’est pas prêt d’arriver à Cherbourg avant Noël… !

— Et vous ? Vous faites quoi de beau ici ?!

— Bah… rien de spécial… c’est simplement chez moi !

— Oh, désolé, je ne savais pas que le chemin était privé… pas vu le panneau !

— Normal… il n’y en a pas ! Ça sert à rien, les gens passent quand même !

Il enlève son vieux sac à dos en toile de jute écru avec difficulté. Merde, alors, il a drôlement morflé l’écrivain à succès ! Peut-être était-ce la chute de trop cette fois…

— Vous voulez boire un coup… ?

— Pourquoi pas… ça monte raide par ici !

— Et ce n’est pas terminé si vous comptez aller jusqu’au sommet !

— … Je ne sais pas encore… s’il y a moyen de couper avant : j’hésiterai pas à le faire !

— Bon, venez par là, j’ai quelques bières au frais…

— Non, de l’eau plutôt… je ne bois plus une goutte d’alcool !

Il me suit jusque sur la terrasse en traînant la patte, pose son sac, se retourne.

— Hé, ben, vous avez une sacrément belle vue sur toute la vallée !

— On dit même que ce serait la plus belle de la région…

— Ça ne m’étonne pas !

Je le laisse à sa contemplation et vais chercher deux verres et une carafe de flotte au frigo. Lorsque je reviens il s’est assis sur le banc de mélèze, toujours face au panorama.

— Et vous vivez seul ici… ?

— Dépend des jours… !

— Ah… je vois !

— Oh, non… je ne crois pas !

Il ne dit plus rien, et reste comme en suspens, scrutant l’horizon. Je verse l’eau fraîche dans les verres.

— … Comme vous êtes, là, je suppose que vous avez dormi la nuit dernière chez les moines de Ganagobie ?

— Oui… enfin, j’y suis finalement resté trois jours ! J’avais besoin de me reposer un peu…

— C’est chouette là-bas… et puis bien tranquille !

— Dans votre coin aussi, ça m’a l’air bien tranquille, non ?

— Là aussi… ça dépend des jours ! Mais en règle générale, vrai que je n’ai pas beaucoup de visites !

Maintenant, il avale son verre d’une seule rasade. Mourait de soif, l’animal.

— Un autre, peut-être… ?

— Oui, merci bien, c’est pas de refus !

— Faut toujours aller jusqu’au sommet lorsque cela est possible… sinon, il ne vous reste que des regrets !

Il enlève ses Ray-bans, et découvre un œil à moitié fermé par la paralysie faciale, mais son autre mirette, toute bleutée d’azur, est encore bien vive et me transperce littéralement…

— Dites donc… faut peut-être pas exagérer non plus ! C’est tout de même pas la face nord de l’Annapurna, votre montagne, que je sache !

— Ben, ça aussi… ça peut parfois dépendre des jours !

Et puis l’on reste ainsi, cinq ou peut-être dix minutes, comme deux potes de trente ans d’âge, des vieux copains qui n’ont plus besoin de parler pour se comprendre, regardant cette vallée qui flotte en dessous dans la brume de chaleur de ce mois de Juillet.

— Vous redescendez comment en bas ? À pinces, ça vous fait une sacrée trotte, non… ?!

— J’ai une bécane… une vieille Oural que j’ai retapée… je descends tous les quinze jours pour le ravito… et pour le reste, je me débrouille comme je peux !

Et voilà… a manqué s’étouffer avec sa flotte ! J’aurai peut-être du préparer un peu le terrain. Je sais déjà qu’il va vouloir la voir, la toucher, et puis insister pour qu’on la démarre aussi , cette bon Dieu de motocyclette russe. Sûr que cela ne va pas faire un pli…

— Une… une Oural, vous avez dit ? Mais… c’est incroyable, ça !

— C’est surtout une belle saloperie d’engin ! Bon… je crois que ce ne serait pas raisonnable du tout de vous laisser repartir… Il fait beaucoup trop chaud maintenant à cette heure, alors vous allez rester diner avec moi ce soir, et puis vous repartirez seulement demain matin, à la fraîche.

Je sais qu’il va accepter. On ne peut refuser l’invitation d’un nouvel ami. D’un ami qui possède une Oural. D’un ami qui vous ressemble tant.

— Dites voir un peu… je ne vous ai pas déjà rencontré quelque part… ?

— Certainement pas ! Je suis persuadé que je m’en souviendrai : comment aurais-je pu oublier une vilaine gueule comme la vôtre ?!

— … Vous savez, ça ne fait pas très longtemps que j’ai cette tronche-là !

— La mienne aussi était beaucoup mieux avant !

— Avant quoi… ?

— Juste avant de me prendre un sacré coup de vieux !

ll sourit, d’une sale grimace. Cette fois, ça y est, c’est gagné, nous voici définitivement bons copains…

— Cela ne vous ennuie pas si je fume ?

— C’est pas un pétard au moins ?!

— Non, non, c’est juste un petit havane…

— OK… je t’apporte un cendrier… et puis une bière… !

Des bières, ce soir-là, on en a descendu quelques unes avec Sylvain, alors le lendemain, le sommet de la montagne de Lure si nous l’avons finalement gravi ensemble, ce fût en traînant une sacrée gueule de bois ! Bien sûr, que c’est loin d’être l’Annapurna, cette drôle de montagne toute pelée, mais avec le mistral qui s’est levé dans la nuit, on en a quand même bien bavé tous les deux… avec mon nouvel ami… !

Rendez-vous à TALLOIRES

Cela faisait maintenant plus d’une heure qu’elle avait remarqué son petit manège dans la file d’attente…
Houellebecq, que l’on avait installé sous le grand chapiteau juste à coté d’elle, et qui n’était pas du tout du genre à faire des heures supplémentaires, était déjà parti. Deux gars de l’organisation n’avaient pas attendus très longtemps pour débarquer, et démonter son stand en moins de dix minutes. Ils s’affairaient maintenant un peu plus loin, sur un autre emplacement abandonné lui aussi. Cela ne traînait pas ici.
Elle avait pris l’habitude d’observer régulièrement ce genre de types, un peu bizarres, et qui traînassent jusqu’au dernier moment, attendant toujours la fin de ses séances de dédicaces, imaginant certainement disposer de cette manière d’un peu plus de temps pour être tout à fait seul avec leur vedette fétiche.

Mais celui-ci n’était pas exactement comme les autres.

Tout d’abord il était très bien habillé ; un costume bleu à fines rayures, une cravate en soie toute colorée, et puis de jolis mocassins qui brillent. Tout semblait parfaitement neuf, et il n’était pas du tout à l’aise dans ces vêtements beaucoup trop apprêtés pour la circonstance. On sentait bien, manifestement, que tout cela le gênait aux encolures. Mais, il y avait autre chose qui clochait avec ce type. De ça, elle en était certaine, et même si pour l’instant, elle ne percevait pas encore très précisément de quoi il pouvait bien s’agir…
— Est-ce que l’on peut faire un selfie ensemble mademoiselle Nothomb ?
— Mais oui bien sur… avec un très grand plaisir !
Plein les bottes, et même ras le chapeau maintenant, de tous ces selfies ! Les dédicaces cela pouvait encore bien passer, et elle consentait, bon gré mal gré, à jouer le jeu, mais cette mode stupide des selfies à bout portant lui devenait de jour en jour de plus en plus insupportable. Surtout qu’il était bien évident que ces abrutis, lui défilant sous le nez sans discontinuer depuis ce matin dix heures, ne se priveraient pas de mettre immédiatement toutes ces horribles photographies sur les réseaux sociaux, où l’on pourrait ensuite se foutre de sa tronche, avec évidemment, une très grande délectation toute anonyme.
Et puis, ce fut enfin son tour à ce type un peu relou. Et il avait assurément parfaitement réussi son coup, car il n’y avait plus personne derrière lui…
— Bonsoir monsieur !
— Bonsoir… Vous m’aviez indiqué plus ou moins 18 heure 30… Alors voilà, il est 18 heures 45 et je suis là !
— …Pardon… ?! Je ne comprends pas ?!
— Dans votre lettre… C’est très exactement ce que vous m’aviez indiqué ; je serai à Talloires pour le festival annuel du livre, le vingt-quatre mai jusqu’à plus ou moins 18 heures 30… Hé bien voilà, je suis là !
Elle croit vaguement comprendre maintenant.
— Ah…
Il porte un petit sac en toile imprimé avec lui, qu’il ouvre précipitamment, et d’où il sort une feuille de papier, insérée dans une protection en plastique.
— Tenez, regardez ! C’est bien ce que vous avez noté ici ? Plus ou moins 18h30 !
Elle reconnait tout de suite son papier à lettre, celui là même qu’elle utilise régulièrement pour répondre au courrier de ses lecteurs, avec tout en bas de la page, une photographie, où elle porte ce magnifique chapeau à plumes d’autruche de chez son ami Pompilio, à Bruxelles. Cette photo en noir et blanc, imprimée sur son papier à lettre, était une idée de son assistante dévouée, Marie-France, qui l’accompagnait partout depuis plus de vingt ans maintenant, et qui avait toujours eu de bonnes idées pour sa promotion artistique, et puis pour tout le reste aussi. D’ailleurs, tiens c’est vrai ça… elle était passée où Marie-France ?!
— Bon, tenez il reste encore un peu de champagne… Voulez-vous finir cette bouteille avec moi ?! On ne va tout de même pas laisser ça !
Le type range maintenant la lettre dans son petit sac avec d’infinies précautions, comme s’il s’agissait d’une relique inestimable.
— Pourquoi pas ! Je commence à avoir un peu soif… Il fait une de ces chaleurs sous ce barnum !
Elle lui tend une coupe. Il y a beaucoup moins de bulles à présent dans le champ’, et puis voilà que l’on éteint encore quelques spots autour d’eux.
— Merci, mademoiselle Nothomb…
— Mademoiselle ?! Allons donc, pas de chichis entre-nous ! Appelez-moi Amélie, ce sera tellement plus simple, non ?!
— Entendu ! Mais vous savez, Amélie, Il faut vraiment que je vous dise tout de suite que j’ai beaucoup apprécié votre lettre… Je vais bientôt avoir soixante ans, dans quelques jours seulement, à la saint Médard, mais voyez-vous ce jour là, enfin je veux dire le jour où j’ai reçu cette lettre… j’étais comme un gamin ! Bon sang, si vous saviez comme j’étais heureux de recevoir cette lettre !
Il serre un peu plus fort son petit sac en toile contre lui. Tout cela est vraiment touchant, mais de ceci elle a prit l’habitude aussi… Les gens, curieusement, se font si souvent toute une montagne d’un simple bout de papier.
— Allons donc, c’est bien normal ! Je m’efforce dans la mesure du possible de répondre à tous mes lecteurs, cela me prend bien sur pas mal de temps, et me demande aussi pas mal d’énergie, mais j’y suis vraiment très attaché…
— Ah bon ?! Alors, vous répondez à tout le monde ?! Je pensais que vous faisiez tout de même une petite sélection… Enfin ce n’est pas grave, c’est… c’est tout de même très gentil de votre part !
— Mais non… Enfin mais si ! Mais bien sur que si ! je m’attarde évidemment un peu plus longuement sur certaines lettres, et mes réponses sont toujours personnalisées… et puis…
— En tout cas ce qui est sur ; c’est que vous m’avez répondu tout de suite !
Il desserre un peu son nœud de cravate, qui doit le serrer terriblement tandis que, de son coté, elle cherche encore ses mots, un chouïa embarrassée…
— La première fois que nous nous sommes rencontrés, cela se passait dans un champ !
— Comment ça un champ… ?! Alors nous nous connaissons déjà tous les deux ? C’est assez étrange, mais je n’en ai vraiment aucun souvenir précis, excusez-moi !
Elle fixe ce gars avec encore plus d’attention. Elle en voit tellement du monde depuis le temps qu’elle écrit ses bouquins, alors forcément, elle ne pouvait pas se souvenir de tous non plus. Mais, voilà donc qu’elle aurait déjà rencontré ce type dans un champ… ?! Voilà une histoire peu banale tout de même, surtout qu’elle ne mettait quasiment jamais les pieds à la campagne ! Tout ça, à cause des araignées. Et puis des odeurs aussi, bien sûr…
— Mais ne cherchez pas, c’était seulement virtuel la rencontre ! Mon voisin élève des ânes, des petits ânes gris de Provence, ceux qui ont une croix de saint André dessinée sur le dos… Vous voyez ?!
Amélie avait également très peur des ânes. Alors cela tombait plutôt mal. Et puis n’importe comment cela ne faisait aucun doute ; ce mec était fou, complètement taré même ce pauvre type, et elle aurait du le deviner plus tôt ; un type qui s’accoutrait d’une telle façon ne pouvait manifestement pas avoir toute sa tête à lui…
— …Hein…? La croix de saint qui… ?!
— Saint André !
— Ah… Mais oui bien sur… Saint André ! Suis-je bête alors ! Je les vois très bien maintenant ! Oh, que oui ! Ces drôles de petits ânes avec une croix dessinée sur leur dos ! Je les vois, je les vois… !
C’était décidé, dès qu’elle aurait terminé sa flûte de champ’, elle filerait. Elle lui dirait, à ce monsieur, qu’elle avait un train à prendre, qu’on l’attendait maintenant, alors il fallait qu’elle y aille… Et puis, regardez donc, tout le monde ou presque s’en va, alors on ne peut pas rester ici plus longtemps, il fait déjà presque noir, ce ne serait pas très convenable… Et Marie-France… ? Qu’est-ce qu’elle foutait encore celle-ci ?! Jamais là lorsqu’on avait besoin d’elle !
— Saviez-vous, Amélie, que ce sont des animaux très intelligents ?!
— Hein… ?…Mais je n’en doute pas un seul instant ! D’ailleurs, je crois que l’on me l’avait déjà dit, il me semble bien !
— Et mon voisin aussi est très intelligent… Et très cultivé également.
— Ah bon… ? Mais c’est drôlement épatant ça ! On rêve tous d’avoir des voisins intelligents et cultivés ! Vous avez beaucoup de chance !
—Oui… Vous avez raison, j’ai une sacrée chance ! Et c’est surtout grâce à lui que je vous ai rencontrée pour la première fois ! Comme on a pris l’habitude de s’échanger comme ça des bouquins de temps en temps, chacun de notre coté de la clôture électrique… à cause des ânes…
— …Des ânes… ?!
— Oui, car sans cette clôture électrique, ils se sauveraient bien sûr, parce que comme je vous l’ai dit, ils sont vraiment très malins ces bestiaux !
— Ah ben oui, évidemment… Les ânes ! Aux ânes bien nés la valeur n’attends point le nombre des années… !
Elle rigole bêtement de sa vanne, et fini sa coupe d’un seul trait. Il resterait bien encore une bouteille, dans la glacière planquée sous les tréteaux…
— Un jour, il m’a apporté l’un de vos romans, « Le sabotage amoureux » d’après mon souvenir, et c’est donc comme cela comme je vous ai connu pour la première fois… Moi je lui ai rendu un Bukowski et un Bernard-Henri Lévy ! Bon pour le BHL j’avoue que, très sincèrement, on a bien le droit de se tromper aussi de temps en temps, n’est-ce pas ?!
— Mais bien sur que l’on a le droit de se tromper ! Et tiens justement en parlant de Bukowski, cela ne vous dirait pas que l’on s’ouvre une dernière bouteille tous les deux ?! Vous n’êtes pas pressé… Hein… ?! Et puis bon sang, faites-moi aussi un peu plaisir mon vieux, et enlevez-moi donc cette affreuse cravate ! Je suis certaine que vous devez crever horriblement de chaud avec cette… cette chose enroulée autour de votre cou !
Il s’exécute sans rien dire, et fourre l’immonde pièce de tissu coloré dans son petit sac, tandis qu’elle tire la glacière vers elle, et en sort prestement une bouteille de Rœderer cuvée spéciale.
— Oui… mais… il y a quand même ma femme qui m’attend dehors !
— …Votre femme… ?! Ah bon, vous êtes marié… ?!
— Oui, cela vous déplait… ?!
— Hein… ? Mais non, bien sur que non ! Pourquoi dites-vous donc cela ?!
— C’est juste la façon dont vous l’avez dit… J’ai eu l’impression que cela vous perturbait un peu tout de même…
— Je crois surtout que vous avez beaucoup trop d’imagination !
— Vous n’êtes pas la première à me le dire ! D’ailleurs vous me l’aviez déjà écrit dans votre lettre…
— Ah bon ?! Alors on l’ouvre cette bouteille ?!
— Si vous y tenez… N’importe comment elle donne à manger aux canards….
— Quoi ?!
— Ma femme… Elle donne à manger aux canards dehors ! Et il y a des cygnes aussi… C’est méchant les cygnes… De vraies saloperies ces bestioles ! Faut toujours se méfier d’eux, vachement vicieux ceux là !
Elle fait péter le bouchon, qui va atterrir mollement à dix mètres de là. Le bruit de fond de la salle stoppe net un court instant. Tout le monde est constamment sur le qui-vive maintenant, avec tous ces attentats extrémistes…
— Amélie… Il faut que je vous dise autre chose aussi…
— Ah… Et quoi donc encore… ?!
— La dernière fois que j’ai fait la queue comme cela, pour obtenir un autographe, c’était il y a fort longtemps…
— Tiens, mais c’est vrai ça ! Vous avez entièrement raison, on cause, on cause, et je ne vous ai même pas encore signé quelque chose pendant tout ce temps !
Elle se saisit de l’un de ses romans, le premier posé sur la pile devant elle, et l’ouvre ensuite à la page de titre.
— Bon alors, je mets à quel nom… ?!
— Eddy Merckx !
— Quoi… ?!
— C’était pour approcher Eddy Merckx, que j’avais dû poirauter comme cela pendant des plombes… A chaque époque ses idoles, n’est-ce pas ?! Tiens c’est marrant, c’est un belge lui aussi ! J’ai ensuite conservé précieusement, et pendant des années, sa photographie dédicacée dans un petit album, mais depuis j’ai tout arrêté… le vélo et les files d’attente !
— Bon alors, c’est quoi votre petit nom ? Il m’en faut un pour la dédicace… Et puis tenez, vous savez quoi… ?! je vais vous l’offrir mon bouquin ! Si,si, cela me fait vraiment plaisir !
— Hé bien, si c’est comme ça, moi aussi j’ai un petit cadeau pour vous !
— Ah… ?!
Des petits cadeaux, comme ils disent, elle en reçoit quasiment tous les jours. Et elle ne sait plus quoi en foutre de toutes ces offrandes, ainsi plus de la moitié partent directement à la poubelle… Le voilà qui tire de son sac un truc emballé dans du papier Kraft…
— C’est du fromage… un Banon… ça vient de chez moi.
— Du fromage ?! Vous m’avez apporté un fromage ?!
— Oui ! Mais ne craignez rien je vous l’ai mis sous inclusion de résine… Vous verrez… comme presse-papier sur votre bureau, ce sera parfait !
Et il déballe son fromage. C’est immonde.
— Dites donc… Il n’aurait pas un peu coulé votre fromage ?!
— Oui, un peu ! C’est-à-dire que le temps que la résine prenne, voyez-vous, cela demande tout de même quelques heures !
— Mais… C’est absolument ignoble votre machin ! Et puis là… regardez donc… Ce ne serait quand même pas des vers que j’aperçois posés sur le dessus ?!
— Faites voir… Ah, si, p’t-être bien que vous avez raison !
Elle est à deux doigts de vomir. Et là, subitement, le flash… Nom d’une pipe en bois ! Elle se souvient maintenant !
— Mais attendez donc un peu vous… « Du culot il en faut dans la vie et j’en ai à revendre », c’est bien de vous ça, hein, n’est-ce pas… ?!
— …Oui ! Exact ! C’est bien moi !
— Mais…
— Quoi… ?
— …Rien… ! C’est juste que je ne vous imaginai pas ainsi… Enfin, c’est vrai que parfois on s’imagine de drôles de choses…
— Je pense que vous aussi, Amélie, comme moi, avez peut-être un peu trop d’imagination, et puis surtout… je crois que vous étes complètement pompette !


Et maintenant, elle se souvenait tout à fait… Ce type lui avait écrit une lettre particulièrement étonnante… Un culot monstre certes, mais pas que, car si elle recevait plusieurs milliers de lettres de ses fans chaque année, jamais personne encore ne lui avait écrit quelque chose de semblable jusque là… Elle avait tellement rit en lisant cette lettre, et cela lui avait fait beaucoup de bien… Mais comment avait-elle pu oublier… ? D’ailleurs, elle aussi avait conservé précieusement sa lettre dans l’un des tiroirs de son bureau à Paris.

Tout à coup, elle aperçoit Marie-France, dans une allée, et qui revient par ici…
— Bon… Ernest… C’est bien Ernest votre prénom, n’est-ce pas ?
— Oui !
—Et si on allait les voir maintenant, ces canards… ?!

Café crème

La volupté éphémère d’un nuage lacté
Et ce goût amer des passions lézardées
Confiote périmée sur tartines déconfites
Toussote et traîne cette vilaine bronchite
La radio nostalgique de bien tristes refrains
le vent des feuilles mortes de mon chagrin
Passent au filtre toutes ces amours dérisoires
où triste funambule sur mon fil du rasoir
Je me noie dès le réveil dans un café crème
Découvrant, las, que plus personne ne m’aime…

Dernier matin…

Voilà, c’est bien décidé…Demain je pars !
Mon baluchon est fin prêt et mes papiers sont tous en règle !
Direction Bordeaux, Marseille ou bien pourquoi pas La Rochelle où un trois-mats fringuant m’attend surement déjà.

Oui c’est bien décidé ; je file tout net, je m’évade, j’embarque !
Nous traverserons alors cet océan, tout droit devant nous, sans escale, et Rio de la Plata nous accueillera sur des rythmes magnifiques de samba. Nous y ferons la fête tous ensemble, danserons, et danserons encore, encore et encore, jusqu’au bout de la nuit, parlerons des dizaines de langues oubliées, et puis les oublierons très vite nous aussi…

Et le lendemain, très tôt pour l’appareillage, je monterai tout en haut du mat attendant impatiemment le signal du bosco pour envoyer la grand voile, et larguer nos amarres.

Et nous voilà déjà au cap Horn ! Attention les gars, le vent forci ! Mais nous passerons quand même ! Hardi moussaillon et vaillant capitaine !

Ile de Pâques, Tuamotu, Bora-Bora, et puis toi ma jolie vahiné qui est là, de nouveau à mes cotés.

Alors viens, viens donc maintenant mon amour, car les alizés bienveillants nous pousseront encore plus loin, là où tu verras, les dauphins, et les poissons volants, nous suivront en de joyeuses sarabandes, où le hukulélé rythmera nos folles soirées sur une plage de Moorea, la croix du sud bien plantée juste au-dessus de nos têtes, et une jolie fleur de tiaré accrochée à tes cheveux….

Mais voilà que j’avais oublié tous ces parfums.

Et le tien aussi…

La tête me tourne, et mes yeux s’embuent déjà. Allons ne nous attardons pas, continuons donc notre route car le voyage ne fait que commencer.

Partons maintenant sur les traces de Lapérouse pas tout à fait effacées, et tiens voici déjà Vanikoro et les îles sous le vent, Hiva-Hoa et les Marquises enfin, que nous devinons à peine, ô sublimes paysages, dans la brume épaisse du matin…La brume épaisse du matin…

Mais voici que je les aperçois maintenant. Ils sont là. Tous mes amis merveilleux viennent me chercher. Ils sont si heureux de me retrouver, et souriant tous à pleine dents me tendent leurs mains…

Mais mes braves amis aurai-je encore la force de monter dans votre pirogue couverte de fleurs ? Oui, aurai-je encore ce peu de force demain matin ?

Car demain matin… demain matin et vous le savez bien, est maintenant si loin pour moi. Si loin, mes tendres amis Marquisiens…

Tu aimes ou tu aimes pas ?

J’aime bien la lettre « a »
Et sa copine « i »
Et puis le « m »…que j’aime aussi !
surtout dans « moi aimer toi »
Le bleu à ses yeux
et le rouge de ses lèvres
Ses croque-monsieur
et sa salade d’endive aux noix
L’Avventura avec Monica
et Jane Fonda dans Barbarella
La dernière scéne de Thelma et Louise
Et la première du Grand bleu…
Mozart un ami qui m’a sauvé la vie
et les bottes en cuir noir de Niagara
L’odeur de la campagne aprés la pluie
et du pain grillé le matin
La poignée de main de mon voisin
et le bisou sucré de mes petites-filles
Ouvrir ma boite aux lettres
et regarder les nuages blancs dans le ciel
Pleurer comme une madeleine
Rire aux éclats deux minutes plus tard
Ne rien faire des journées entières
Couper du bois en me prenant pour Jeremiah Johnson
Ramasser des petits cailloux qui brillent
L’embrasser tendrement dans le cou
Boire du Sauternes
une choucroute au Kammerzell
Nager nu dans le lac Powell
Dormir tout habillé sur mon canapé
M’énerver aprés les impôts
Rouler plein pot la nuit
Faire mes valises
Arriver quelque part
La signature de Donald Trump
Me croire plus malin que les autres
Le rafting et Léonard de Vinci
Changer de fuseau horaire
Brailler comme un putois
Avoir la vie devant moi
Dire de grosses bêtises comme Depardieu
Le hachis-parmentier parce que c’est bon (elle n’en fait jamais…petit message personnel…)
Prendre au moins cinq minutes pour écouter un con
Collectionner les vignettes Panini de coureurs cyclistes
Sa petite cicatrice au menton
Vivre à cent à l’heure
être toujours le dernier sur la piste
Filer doux comme un agneau
et ziber le fisc (mais non je plaisante…!)
Leur dessiner un mouton même si elles ne le trouveront pas ressemblant
Papy t’es vraiment nul…
Aimer…Aimer…Aimer…

Ce que je n’aime pas ?

Je n’aime pas la lettre « Q »
Trop vulgaire !
Et pas trop le « K » non plus, surtout deux fois de suite…
La signature à Donald Trump
les bull-dozers et les rouleaux compresseurs
Les quais de gare le dimanche soir
La petite aiguille sur le « 6 » le lundi matin
Les 4X4 qui passent devant chez moi
Les filles en mini-jupes qui ne passent pas devant chez moi !
La pluie le jour de mon anniversaire
Et la bougie de plus sur le gâteau
Les films américains qui se déroulent à Noël
et Jean-Pierre Léaud dans les autres films
Quand ça s’arrête beaucoup trop tôt
et puis quand ça ne marche pas très bien depuis le début
Le lapin en gelée (même si je ne le dis jamais pour ne pas faire de peine)
Perdre mon temps qu’est vachement compté
Rester sur ma faim
Avoir des ampoules aux mains
Me faire du soucis pour quelqu’un
Choper la dengue ou le chingoungougnia
Avoir les pieds qui sentent pas bon
Perdre une dent dont j’avais encore besoin
Qu’on me prenne pour un con
et qu’on me le dise en plus
Partir en sucette devant tout le monde
et revenir sur ce que j’ai dit
Avoir peur du lendemain
Enterrer un ami
Les chinois, et faites moi confiance je sais très bien pourquoi !
Qu’on me crève mes ballons
Qu’est plus un seul glaçon au frigo
Les tests de QI
Le shampoing aux oeufs
La tarte à la rhubarbe
Qu’on me tue mes petites abeilles
Le pognon du pétrole qui coule à flots
La ceinture de sécurité qui serre beaucoup trop fort
et le port du masque autorisé
Les mauvaises nouvelles du journal télévisé
Marcher pied nus sur du verre pilé
Me rouler dans la farine
Le tonnerre qu’est pas très loin
Les portes de l’enfer
Pleurer seul dans mon coin
Ne pas avoir bonne mine
Les boutons sur le nez
Embrasser pour la dernière fois
Jeter juste un coup d’oeil
Et ne pas pouvoir rester…

NB : Oui effectivement…La signature de Donald Trump est bien dans les deux listes mais n’ai-je pas le droit de rire de quelque chose que je n’aime pas ?!

INCIPIT

Les premiers mots, les premières lignes d’un roman sont souvent celles qui vont nous donner l’envie, ou pas, de continuer plus loin…

Voici quelques essais…A vous de me dire si vous tourneriez la page…Et j’écrirai (peut-être) la suite…!

Mémoires d’un serial-killer

Dés la première seconde où je l’ai vu, j’ai su…
Je lui ai dis « Bonjour mademoiselle…Vous devez être ma nouvelle voisine je suppose…?« 
Nous étions sur le parking de la résidence et elle descendait de sa Mini Cooper rouge.Belle, racée, souriante…
Elle m’a regardé très attentivement avant de répondre :
« Oui…j’ai emménagé le week-end dernier…Alors vous étes le monsieur d’en face…C’est ça…?!« 
« …C’est ça…!« 
Oui je l’ai su tout de suite, ce serait elle ma prochaine victime.La trente- septième de la liste…

Skaï blues

La petite gonzesse qui se trémoussait sur le dance-floor juste devant moi, mini-jupe rouge en skaï et ras-la-touffe, semblait comme sorti d’un vieux film des années cinquante.Du genre western en cinémascope avec Gary Cooper dans le rôle principal.
J’avais déjà trop bu ce soir…Alors encore un verre, le der de der, et puis j’me casserai d’ici rapido.Ca puait vraiment trop le rance et les chiottes sales dans ce bouge.
C’est là qu’elle s’est arrêtée d’un coup de gigoter la greluche en mini et qu’elle est venue se planter devant moi comme une conne.
« Dis donc mon loulou tu m’payerais pas un verre…?! »
C’est vraiment comme ça, je vous jure bien que c’est la vérité, que mes emmerdements ont commencés…

Les crocodiles bouffent les écureuils le samedi soir

Cette nuit j’ai rêvé que j’avais une aventure sentimentale avec Bradley Cooper.
Enfin… Soyons un peu plus précise… Un mini Cooper car le mien avait eu les deux jambes carbonisées. Un accident de parapente je crois… un crash sur une ligne à haute tension !
Mais cela ne l’empêchait pas d’être un sacré bon coup au lit je peux vous le garantir… !
Bon, j’arrête de vous parler de ça, me voilà toute rouge maintenant !
Tiens, j’ai un nouveau voisin aussi, depuis ce week-end. Il est pas mal du tout. La quarantaine environ, ou peut-être un peu moins, trente-six… trente-sept…dans ces eaux là en tout cas…
Je l’ai rencontré pour la première fois hier soir, en sortant les poubelles, et on a causé cinq minutes,là, comme ça, sur le palier. D’un peu tout et rien.
Il m’a dit qu’il était écrivain. Et son truc, c’est les polars… des histoires de sérial killers et de frapadingues qui sèment la terreur en égorgeant à tour de bras.

C’est quand même marrant, non ? Le monde est petit, parfois… vous ne trouvez pas ?!

Ma Mini et moi

« On va la vendre…!« 
« Quoi…?! Qu’est-ce que tu dis…?!« 
« Cette bagnole on va la vendre que j’te dis…!« 
Je savais depuis le début que ma Jeannine elle ne l’aimait pas cette voiture mais c’était la première fois qu’elle me parlait de la fourguer…
« Non…Il n’en est pas question…!« 
J’avais trimé dur pour me la payer cette Mini Cooper.Des centaines d’heures sup…
« Et moi je crois que je vais te quitter Jeannine…!« 
Elle m’a regardé avec de gros yeux de merlan frit.J’ai freiné sec.Et puis je l’ai jeté par dessus bord cette conne…
Ca a fait splotch quand elle a roulé dans le fossé.J’ai jeté son sac à main aussi…Il était vraiment trop moche ce sac à main…