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Mauvais sang ne saurait mentir.

Mauvais sang ne saurait mentir. Ainsi, ai-je tué mon Roi, et ma Reine.

J’admire, serein l’innocent aux mains pleines, mes géniteurs qui se mirent dans une mare écarlate et suave. Nous ferons demain chacun, les gros titres à la Une. À la Une…

Cette mère corail où voguait ma galère, rayant de ses tranchantes attaques une coque si fragile, mère étouffante aux écumes redoutables. Petit prince furieux, alors, tu peux… et de deux…

Pater nostra, vil et dur, père de toutes les violences, et un subtil mélange, messieurs-mesdames, d’acier et de feu, de fiel et d’acide, ne tabassera plus l’enfant do qui dormira bientôt… meurs la bête, meurs…et d’un, de deux, et de trois… et de trois, à la fois…

Parti, le communiste… !

L’autre jour, qui n’était pas plus tard qu’hier, je me disais intérieurement : « Vous voyez, mon cher… Oui, lorsque je m’interroge comme cela, je me vouvoie toujours… et c’est une habitude prise depuis longtemps déjà. Respect bien ordonné commence par soi, et j’aime à me respecter, à respecter mon Égo, mon Soi, mon Moi, et même mon Sur-moi qui pourtant n’est pas toujours ce que l’on peut appeler un enfant de chœur, vous pouvez me croire sur parole… !

Où en étais-je… ? Oui, voilà… ! Je me disais donc en privé : « Vous voyez, mon cher, c’est assez étrange mais il y a encore quelques personnes qui ne se sont pas exprimés sur cette drôle d’épidémie de Covid 19… comme cette demoiselle Nabila ou bien encore la charmante Ophélie Winter, ou même cet homme politique qui a notre (n’oubliez pas que je me vouvoie dans l’intimité) goût se fait beaucoup plus rare depuis quelques temps à la télévision : l’excellent Georges Marchais…

« Mais, il est mort depuis belle lurette, ton Georges Marchais ! » que s’exclame alors ma femme qui reluque à longueur de journée par dessus mon épaule tout ce que j’écris, tout en repassant ses linceuls…

— Merde… t’es sûr, ma chérie ?

— Un peu, mon n’veu !

Cela m’a fichu un drôle de coup. Ouais, parce que je l’aimais bien, ce con. Enfin, je dis ce con, mais voyez-y seulement une marque d’affection à titre posthume bien sincère de ma part.

Hein ? Les linceuls ? Oui, ça, c’est notre nouveau business à ma femme et moi…

L’idée, c’est bibi qui l’a eu, bien sûr. Mais pour le reste, c’est surtout elle qui s’en occupe. « Monbeaulinceul.com » que l’on a appelé notre site de vente sur le net.

Jeannie (ma tendre) découpe, couds, et repasse, un linceul se doit d’être toujours impeccablement repassé, et se charge même des livraisons à domicile lorsqu’il y en a. On a commencé petit, vers la fin Mai, mais là ça redémarre bien depuis environ deux, trois semaines… on est content comme tout ! Faut savoir tirer partie des évènements et encore plus lorsqu’ils sont dramatiques. N’importe comment, si vous ne le faites pas d’autres n’auront aucun scrupule à le faire pour vous.

On propose toutes les tailles bien sûr, mais évidemment ce qui se vend le plus ce sont les grandes tailles. Faut dire que ça dégomme fort chez les obèses… ! Heureusement, on a prévu du stock. Mais s’il le faut vraiment, on sous-traitera.

Pour le design, c’est moi aussi. Et j’en suis assez fier, je dois dire. Il n’était pas question de tout révolutionner alors j’ai conservé une coupe assez sobre, bien droite, mais avec tout de même quelques petites touches personnelles. Pour les gamins, par exemple, nous pouvons rajouter des oreilles de Mickey ou bien pourquoi pas une longue queue de Marsupilami (ne riez pas : on nous l’a déjà demandé…). La gamme des couleurs disponibles est également impressionnante. Cela va du blanc bien immaculé, un classique, au noir le plus intense. C’est très classe, très sobre, le noir, et cela va avec presque tout. Les plus belles cérémonies sont souvent en noir. Non, assurément, jamais aucune faute de goût avec le noir…

Quand je pense que Marchais est mort… Il va me manquer, tiens !

Qui veut la peau d’Ernest Salgrenn ?


Les choses changent. Ô que si, je vous l’assure, notre Monde change…


Là, je rentre de Paris. On m’a invité pour faire le guignol dans un célèbre Talk-Show. Ce n’est pas du tout dans mes habitudes mais j’ai accepté sous la pression de mon éditeur. La rentrée littéraire a donc, elle aussi, son pilori et ses martyrs.
Bruit et fureur, là-haut. Et toujours un peu de crasse aussi. J’avais oublié tout ceci depuis ma dernière visite qui remonte maintenant à plusieurs mois. Bien avant cette épidémie.
Je traîne donc ma petite valise à roulettes jusqu’à St Cloud, France-Télévision et son studio d’enregistrement numéro un. Le numéro deux, juste à côté, est réservé à l’émission « Questions pour un champion ». Accueil mielleux de circonstance derrière les masques filtrant l’atmosphère. On me tutoie direct, sans trop se poser de questions, et tout le monde semble très heureux de me rencontrer. Puis, ce tout le monde passe très vite à autre chose de plus important. Sur la porte de ma loge, plutôt riquiqui je dois dire, un vulgaire post-it avec un prénom qui n’est même pas le mien, et puis cette voix rauque de la styliste en chef qui s’esclaffe en ouvrant ma valoche :
« Mon Dieu… que c’est moche tout ça ! »
Le cri vient du cœur. Elle repart tout de même avec une de mes chemises à fleurs hawaïenne et mon pantalon Kenzo (vraiment le seul potable, selon elle…) pour donner un coup de fer à ces fripes d’un autre âge. J’ai honte… De moi, bien sûr, mais aussi un peu pour elle qui n’a pas su lire « Fumer tue » sur ses paquets de clopes. C’est pourtant bien écrit en gros.
Et me voilà seul dans ma loge maintenant. Seul, avec une bouteille d’eau de vingt-cinq centilitres. Plus de collation, ni de petits chocolats de chez Ducasse… Covid oblige, m’a-t-on appris face à ma surprise. Mais, j’imagine aussi la restriction budgétaire qui s’installe durablement un peu partout.
Puis, vient le maquillage. Fond de teint, ouais, mais de loin. On fait super gaffe… car On se méfie des types qui viennent de la Province as me. Le Sud est tout en rouge cramoisi sur la carte de France à Môsieur Véran, l’ancien aide-soignant si bien pensant, n’est-il pas ?! Un accent chantant de Marseille-lez-Oies fait trembler ici, pire qu’une tempête de mistral chez nous un soir de Novembre, alors On, petit bonhomme qui n’est pas courageux pour un sou, et drôlement efféminé aussi, manie son pinceau comme s’il peignait une bombe à neutron prête à lui exploser dans la tronche au moindre choc… Tic, tac… tic, tac…
J’attends ensuite. Toujours seul, et je trouve que c’est un peu longuet tout de même. J’ai déjà bu toute ma bouteille d’eau aussi je me rabats sur le robinet du lavabo. Il fait chaud, la clim’ ne fonctionne plus. Elle affiche vingt-sept obstinément. Je cogite un peu, beaucoup, je tourne en rond, et me demande vraiment ce que je fiche ici. Bon sang, qu’est-ce que je vais bien pouvoir leur raconter de plus aujourd’hui qu’ils ne sachent déjà ? Mon dernier bouquin est sorti l’année dernière, alors déjà épuisé le sujet, et rien d’autre à vendre pour l’instant. Je suis presque à deux doigts de filer à l’anglaise lorsqu’un assistant plateau se décide enfin à venir me chercher.
« Ça y est, c’est à nous ! »
On me presse, docile, je suis le mouvement. Même pas le temps de saluer les trois autres invités qui patientent l’un derrière l’autre dans les coulisses sombres et que je ne reconnais pas. Pose d’un micro-cravate avec des gants en latex. Drôle d’ambiance, ma foi…
« Et surtout, n’oubliez pas de saluer la caméra en entrant… ! » nous indique le réalisateur-adjoint du haut de sa superbe. Monsieur se prend pour Francis Ford-Coppola. Dans le noir, une envie subite de pisser me saisit. Trop tard, on me fait signe d’entrer sur le plateau… Action…
Je n’ai même pas passé la première épreuve, celle des « Neufs à la suite »… Samuel Étienne qui m’a reconnu, lui, était un peu gêné pour moi. Un fiasco total. Je n’ai rien compris. Rien. Absolument rien. Abasourdi par la méprise, il m’a fallu presque cinq minutes pour me remettre de mes émotions, et comprendre dans quelle piège ignoble je venais de tomber. Assimiler le fonctionnement de ce buzzer placé devant moi m’en a pris cinq de plus. Mais appuie, appuie donc sur le champipi, champignon, bon Dieu… ! Et tout cela dans une vieille chemise à fleurs froissée. Je suis tout de même reparti avec une magnifique série d’ouvrages qui devrait me permettre de devenir un véritable expert de la cuisine sur barbecue.
Retour au Ritz. À pied cette fois, pour raison de grève surprise des transports publics. Le long de la Seine qui charrie ses immondices, j’ai le spleen bien douloureux. Il en faut moins que cela à certains d’entre-nous pour se foutre à la baille, une grosse pierre attachée autour du cou. Mais je survivrai, enfin je l’espère, même si après une telle humiliation publique rien ne sera plus comme avant, c’est entendu. Et merde, tiens… quand je pense que la cagnotte était quasiment à quarante mille balles ! C’est bien plus que ce que m’a rapporté mon dernier bouquin, une fois les impôts passés…
Il est encore un peu tôt, mais je me tape sans aucun scrupule un Bloody Mary au bar Hemingway refait à neuf. Les olives vertes et la note sont un peu salées et aucune ristourne n’est consentie, même pour des types comme moi qui se prénomment Ernest (ce qui est pourtant assez lourd à porter). En désespoir de cause, on en vient à causer barbeuque avec le barman bien désœuvré à cette heure. Une passion récente que je voudrai partager. Je lui demande, entre deux recettes de grillades, s’il connait par hasard le nom du mec qui a inventé la carte à puce. Juste histoire de voir s’il est aussi bourrin et ignare que moi. Il ne sait pas, et quelque part j’avoue que cela me rassure : je reprends peu à peu confiance dans l’espèce humaine.
J’ai du réseau sur mon portable, ce qui me change de la maison, alors j’appelle Tonton. Tonton Frédéric qui crèche à Neuilly. Tonton Frédéric c’est un peu mon oncle d’Amérique à moi. En tout cas, le plus bel homme que je connaisse. Je ne parle pas du physique mais du cœur, bien sûr. Tonton Frédéric a fait fortune et maintenant il se la coule douce. Et il a bien raison.
Il propose de venir me chercher dans cinq minutes, et puis d’aller casser une graine tous les deux au café de Flore, trop ravi de me revoir, le tonton. Deux heures plus tard, il se pointe dans sa jolie Tesla bleu canard, une sacrée bagnole que l’on n’entend pas du tout arriver. C’est vachement beau le progrès. Surtout quand on a du flouze…
Au « Café de Flore », ce n’est pas la cohue. En terrasse, pas même l’ombre d’une japonaise avec son bob Chanel bien enfoncé sur le citron. Tonton s’installe à une table. Sa table. Ici, il est connu comme le loup blanc de Wall street. Mais partout ailleurs aussi. J’aperçois Yann Moix à une autre table (beaucoup moins en vue que la nôtre). Il dessine sur la nappe et fait semblant de ne pas me voir. Définitivement, ce n’est pas mon jour… Mais ce n’est pas très grave : je n’avais rien à lui raconter d’intéressant n’importe comment. Les Intellos dans son genre m’ont toujours fatigué assez rapidement. Et cela doit être réciproque, je suppose.
Je préfère écouter mon Tonton me parler des avantages indéniables du moteur électrique. Lui au moins ne se pose pas d’inutiles questions métaphysiques sur la bonne marche de notre Monde. Son humanité transpire à flots. Elle vous éclabousse l’âme. Vous lave en profondeur. Et un tel bain d’humanité par les temps qui courent, je vous garantis que cela vous fait beaucoup de bien.
Je l’aime, mon tonton Frédéric. Sincèrement. Avec lui je me sens toujours quelqu’un de bien. Et je sais que cela fonctionne aussi avec tous ceux qu’il croise sur sa route. Les serveurs du Flore, par exemple, l’adorent tout autant que moi. Alors, ils nous chouchoutent. Et hop ! Deux tournées de mousses pour le prix d’une !
Et ça tombe bien parce qu’ici non plus la bière pression n’est pas donnée…
Tandis que l’on débat tranquillement stator, rotor et bobine à induction électromagnétique, une dame, d’un âge certain, avec un petit chien tout frisé qui tire la langue au bout d’une laisse en croco, s’arrête et vient me demander si elle peut faire un selfie.
J’accepte, malgré son âge. Pour une fois que quelqu’un me porte un peu d’attention aujourd’hui, je ne vais pas faire la fine bouche. En partant, elle me lance : « Merci, monsieur Luchini ! »
Tonton manque de s’étouffer avec son croque-monsieur ( que je vous conseille, ils sont moëlleux au possible). Et je remets mon masque sur le nez, cela est plus prudent.
Le lendemain, mon TGV Oui-Go est arrivé à l’heure en gare d’Avignon. Pas même une seule seconde de retard. Alors… vous voyez bien, les amis, quand je vous dis que le monde change !

Poussée d’Archimède et tutti quanti.

Mon beau-frère est platiste. Pour ceux qui l’ignore, les platistes sont persuadés que la Terre n’est pas ronde, mais plate. Plate comme une limande…
Pourtant, ce n’est pas qu’il soit tellement plus idiot que la moyenne d’entre-nous. Enfin, je ne le pense pas. Il est tout à fait capable par exemple de vous faire des additions et même des multiplications à deux chiffres lorsqu’il s’agit de partager une note de restaurant.
Le sujet –que la Terre soit ronde ou bien plate– revient très souvent sur le tapis dans nos discussions. Au début, j’ai bien essayé de le convaincre de sa fourvoyerie, mais cela n’arrangeait pas du tout les choses. Bien au contraire, cela avait même plutôt tendance à augmenter sa conviction. Il n’y a rien de plus têtu qu’un aveugle qui ne veut pas voir la vérité en face.
Et il ne croit pas plus à la Gravité… Celle de Newton bien sûr, pas celle de certaines situations dramatiques. Pour lui, voilà encore une invention montée de toute pièce. Comme d’ailleurs pas mal d’autres choses à son avis. Ceci dit, pour ce qui est d’une remise en question des forces gravitationnelles, on peut lui accorder une certaine cohérence dans son cheminement intellectuel. Il est indiscutable qu’une Terre bien plate ne peut pas exercer d’attraction, ou beaucoup moins en tout cas qu’une jolie planète bien rondelette comme la nôtre. Il y a donc une certaine logique là-dedans, il faut bien se rendre à l’évidence.
En cette période assez trouble et plutôt virale, Conrad (c’est le prénom de mon beau-frère) est remonté comme un pendule de Foucault… Le voici maintenant tout à fait contre cette nouvelle idée de rendre le masque obligatoire partout, même dans la rue. Personnellement, je me doutais un peu que chez lui cela n’allait pas fonctionner comme sur des roulettes. Homme de principes bien affirmés, quoi qu’erronés, il les respecte vaille que vaille.
« Mais, mon pôvre vieux, tu comprends bien que tout ça c’est uniquement pour nous forcer ensuite à nous faire vacciner comme des moutons qu’on mène à l’abattoir… ! »
J’ai eu beau lui expliquer, d’une, que je ne voyais pas trop le rapport entre le port du masque, le vaccin, et un gigot d’agneau, et de deux, que si l’on arrivait à se débarrasser de cette saloperie de virus une bonne fois pour toute en ne le faisant plus circuler, il ne serait peut-être pas nécessaire d’avoir recours à la vaccination… arguant, fort adroitement, que cela s’était déjà réalisé par le passé, en citant pour exemple connu de tous, la variole, qui a ainsi disparue des radars épidémiologiques. Mais de ma variole, il n’en a eu rien à fiche, Con-con (c’est son petit surnom à mon beau-frère) ! Mais alors, absolument rien… !
Tant et si bien que l’autre jour, il n’a pas trouvé mieux que d’aller manifester dans la rue, le Bof. Sans masque, évidemment. Avec une bande d’autres platistes, mais pas que, il y avait aussi d’autres illuminés qui doutent que l’homme ait marché sur la Lune ou bien encore que Donald Trump porte une moumoute. Trop vénères, les gars, alors grosse colère contre ce Gouvernement qui touche à nos libertés individuelles. Il en est revenu le soir, couvert de bleus aprés une interpellation musclée des forces de Police (tout aussi efficaces que celles de la Gravitation universelle). Mais, jusque-là rien de très anormal, me direz-vous. C’est exact. Non, ce qui est le plus marrant dans toute cette histoire, c’est qu’il a été contaminé, mon beau-frère Con-con. Ouais, comme je vous le raconte ! Trois jours après la manif : fièvre, toux et difficulté à respirer normalement. De surcroît, avec son diabète à deux grammes et des brouettes en permanence, ça n’arrangeait pas trop son tableau…
A un moment donné, il est sorti sur le balcon. Pour prendre un peu l’air, qu’il a dit à ma sœur. Ce furent d’ailleurs ces dernières paroles, car, et on ne sait pas trop ce qui s’est passé réellement, on l’a retrouvé vingt mètres plus bas, encastré dans le toit d’une bagnole garée juste en dessous (la sienne, pas de pot, mais forcément quand ça ne veut pas… ça ne veut pas !). Et c’est bien triste.
On l’enterre demain, Conrad. Mais pas trop profond, et ceci selon ses toutes dernières volontés…