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Mon petit doigt m’a dit…

Mon petit doigt, celui qui est le mieux élevé des cinq, celui que je me fourre profond dans l’oreille quand ça gratte, celui qui prend la pose quand je bouffe une biscotte sans gluten, celui qui se tape des « Q » sur mon clavier, celui qui se frotte à mon alliance en lui faisant les yeux doux, un peu jaloux, celui-là donc, m’a dit : « J’ai bien peur que ça dure tout ça, mon vieux… ! »

Un petit doigt, ça a l’air un peu con à première vue, mais faut toujours se méfier de ce qu’il vous raconte…

Nous voilà donc en couvre-feu. Et pour six semaines au moins. Comme en quatorze. Enfin, en quarante plutôt. Enfin, je ne sais plus, je n’y étais pas ! Mais ne soyons pas si surpris, le Président l’avait bien dit au mois de Mars : « …Nous sommes en guerre… etc, etc… et vive la France, et vive la République ! « . Tout ça pour lutter contre ces sales terroristes que sont devenus aujourd’hui, nos jeunes. Y’a pas idée non plus d’aller faire la fête tous les soirs alors que nous sommes en guerre ! « Acht, betites saligots, va ! ». Faire la fête… boire et danser sur nos trente-deux mille morts et des poussières, quelle indécence tout de même ! Mais comme j’te mettrai vite fait tout ça au gnouf, moi !

Maintenant, j’attends le vaccin. Celui contre le Covid-19 bien sûr, pas celui contre la grippe vu qu’on nous a dit hier qu’il n’y en a déjà plus ! Je me serai peut-être fait vacciner aussi après tout, dans un vague et poussif élan de patriotisme exacerbé, mais là, finalement, la question ne se pose même plus : circulez y’a rien à voir, rentrez chez vous, messieurs, dames ! Désolé, y’a plus rien en stock !

Cet été, j’en ai vu des jeunes (et des moins jeunes). Des tonnes, des wagons entiers qui se doraient la pilule sur la plage. Et sans masques, bien sûr. Des qui venaient de loin, de l’autre bout de la France, de l’Est où ça avait bien pété, de l’étranger aussi, de Belgique, d’Allemagne, des Pays-bas, et même du Brésil (si, si, en passant par le Portugal !), des qui faisaient la bringue toute la nuit durant, qui chahutaient sous ma fenêtre jusqu’à point d’heure en gueulant comme des putois, des qui profitaient à fond de leur jeunesse en faisant bien chier leur monde, quoi… !

Mais à ce moment-là, ils en avaient le droit. Parce qu’il fallait que ça reprenne son cours normal, la Vie. Alors, qu’on s’amuse un peu maintenant après ce terrible mois et demi de confinement ! Et puis, n’oublions surtout pas de faire marcher le commerce aussi. Allons, lèchons tous des glaces deux boules chocolat-vanille et faisons donc ce qu’il faut pour vite tirer un trait sur tout ça ! C’était comme si on y pensait plus, comme si en Septembre-Octobre, ça redémarrerait comme sur des roulettes… comme si madame Bachelot allait nous faire des miracles… comme si l’hiver serait pas froid du tout… comme si nos morts seraient pas mort pour rien… comme si… Ah, vraiment, quel bel optimisme de masse ! Et quel bel enthousiasme à défaire ce que l’on a acquit durement !

Ô, quel putain de gâchis, oui, plutôt !

Moi, j’ai mon petit doigt qui m’a dit… (à suivre, malheureusement !).

Micro-bonheur.

Cela doit bien faire cinquante ans. Cinquante ans qu’il n’avait pas neigé ! Mais là, depuis une bonne demi-heure, la neige tombe en épais flocons et sans discontinuer. Une véritable tempête…

Bien entendu, tout le monde a été surpris ici. Et moi, le premier. Ma petite Geneviève, qui me tient la main depuis toujours, est ravie.

« Ça fait tellement longtemps qu’on attendait ça, hein, mon Titi ?!

— Oui, ma chérie ! Tellement longtemps… !

Derrière nous, en haut de la butte, la basilique est toute blanche. Quelle merveille ! Ses cloches se sont mises à sonner à toute volée, et le bruit résonne si fort que cela heurte quelque peu nos tympans. Nous n’avons plus l’habitude…

— Oh ! j’ai envie de danser… !

— Mais, tu sais très bien, Geneviève, que nous ne pouvons pas !

Elle en a conscience bien sûr, nos pieds nous en empêchent, mais l’envie est plus forte.

— Tu n’as pas froid au moins ?

— Non, ça va… mais j’ai un peu la tête qui tourne !

— Ne t’inquiète pas, c’est normal lorsqu’il neige… « 

J’ai eu tout de suite le coup de foudre pour Geneviève. Dès que je l’ai aperçue dans la file, avec sa jolie robe rouge et son chemisier blanc, au milieu de toutes les autres Geneviève. Mais, elle aussi m’avait déjà remarqué. Elle me l’a avoué plus tard. On était vraiment fait l’un pour l’autre, c’était écrit quelque part.

Lorsqu’on nous a présentés, puis mis bien en place, face à face, j’ai compris alors que le Bonheur existait réellement…

 » Veux-tu bien reposer ça, ma petite Chloé ! C’est fragile, et j’y tiens beaucoup…

— C’est trop joli, mamie… c’est quoi ?

— Un cadeau que m’a fait ton grand-père, il y a bien longtemps… nous étions si jeunes… notre premier voyage en amoureux à Paris… Le Sacré-Cœur…

— Ah, bon… tu étais amoureuse, toi, mamie… ?!

La petite Chloé ouvre des grands yeux étonnés. La grand-mère sourit, tout en essuyant furtivement une larme sur sa joue fripée.

— Mais bien sûr que j’ai été amoureuse ! Ça alors, quelle drôle de question ! Ton grand-père était un si bel homme, si tu l’avais connu à cette époque… et attentionné avec ça… pas comme les jeunes de maintenant !

— Mamie… moi aussi, j’serai amoureuse d’un garçon, un jour !

— Mais bien sûr, ma chérie, bien sûr… mais, s’il-te-plaît, repose donc cette boule à neige maintenant… ! »

« Tiens… on dirait bien que cela s’est arrêté… c’est déjà fini, il ne neige plus !

— Oui, c’est vrai, tu as raison…

— Geneviève… dis-moi… ?

— Quoi, mon Titi… ?

— Tu m’aimes… hein, que tu m’aimes toujours, ma Geneviève… ?! »

Pilier Est.

L’océan. C’est la première fois que je vois la mer. Brise fraîche sur mes joues toutes roses. Juillet en Bretagne. Je trotte, ça y est ! Voilà que je trotte enfin ! Maman me tient la main, elle est heureuse. Les vaguelettes me déséquilibrent et je bois la tasse. C’est salé ! Papa étale ses biscotos, marche sur les mains, fait le poirier. Tarzan de guimauve que je n’intéresse pas vraiment. Maman est heureuse, elle ne sait pas encore qu’il la quittera bientôt. Dix, vingt, peut-être plus, combien de générations, combien de mes ancêtres bretons, sont venus sur cette plage avant moi ?

Une boite en chêne dans un corbillard. Couronnes de fleurs. Pépé est mort. Mon gentil Pépé à moi. Je marche, lentement, silencieux, comme tous les autres derrière cette maudite boite. À dix ans, on ne comprend pas, on ne peut pas comprendre, ces choses-là. D’ailleurs, personne ne vous explique. Débrouille-toi, mon petit gars ! Apprentissage de la vie, choc, traumatisme. Et douleur éternelle…

Sortie d’école. Je cours, cette fois. Je la rattrape. Oh ! Mon cœur bat si fort ! Elle se retourne. Premier baiser. Demain, elle me laissera passer une main timide sous son pull-over. Premier émoi. Hésitant, maladroit, idiot… alors elle rit, Virginie : «Arrête un peu maintenant ! Tu me chatouilles !» . Et, Elles n’ont pas fini de m’en faire voir. Et de toutes les couleurs, je vous le garantis !

Je grimpe quatre à quatre les escaliers… me trompe… redescend d’un étage… affolement général… on me passe une charlotte… des sur-bottes… allez, direction le bloc…

«Tenez… c’est votre fille ! Trois kilos quatre, c’est pas mal ! Félicitations !»

Vl’à que je chiale. Comme un bébé !

Vingt-cinq ans. Mariage en blanc. Accordéons, flonflons, émotions, «Papa, rentre donc un peu ton bidon !». Photo de famille décomposée. Voyage de noces. Où ça ? En Bretagne… ! La boucle est ainsi bouclée…

Symptômes. Évidence du diagnostic. Dégénérescence, perte de la mémoire, de l’autonomie. Je flotte dans un brouillard épais. Je flotte, mon brave ami. Léger, léger, si léger aujourd’hui…

Pilier Est. Bruit sourd, mat, au pied de la ferraille. Ils se retournent. Comme tout le monde dans la file d’attente. On crie, une femme s’évanouit. Vapeurs qui exhalent d’un corps réduit en bouillie dans la fraîcheur d’un matin de Décembre…

«Juste avant de mourir, il paraît que l’on revoit toute sa vie défiler… tu crois que c’est vrai… ?»

«… Bof… j’en sais rien… !»

Breakfast at Chezmoi’s

Chers amis abonnés (n’oubliez pas de payer vos cotisations à la fin du mois !) , je vous conseille d’aller faire un petit tour chez ce blogueur talentueux (c’est en tout cas mon avis). C’est marrant et très bien écrit ! Ernest.

Jours d'humeur

Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, souvent, il y a des trucs qui m’éneeeeeeervent.

« Calme-toi Roger, le docteur l’a dit, c’est pas bon pour ce que tu as ».

Donc, je me calme. Mais je bous.

Je gagne très modestement ma vie, à tel point que je me demande certains jours si je ne la perds pas plutôt, cependant, comme tout un chacun, je consomme. Je consomme à hauteur de mes moyens, mais je consomme. Si j’avais des moyens démesurés, je consommerais à hauteur de mes moyens démesurés, soit dit en passant. Ce que je ne supporte pas, malgré un caractère affable et une propension quasi nulle à sortir de mes gonds, c’est d’être pris pour une tanche par les vendeurs de toutes sortes. J’estime que, lorsque je débourse un centime, dans les commerces de proximité ou d’éloignité, ce centime mérite d’être pris en compte (mon raisonnement…

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Snow.

Hier matin, j’ai tué un ours. Un pas très gros, c’est vrai, mais un ours tout de même.

9H00. Et la mère Josette est déjà là. Elle me fait chier la mère Josette… toujours à l’heure, celle-ci. Je l’entends se secouer bruyamment les pieds sur le paillasson. Il neige dehors…

« Alors, comment ça va aujourd’hui, m’sieur Albert ? »

Toujours à l’heure et toujours cette même question. Tous les matins. Et ça fait dix ans que cela dure. Chiotte, tiens !

— Thé ou café… ? »

Quelle conne ! Elle sait très bien que je ne bois jamais de café. Ça m’énerve, le café. Et ça me donne des aigreurs d’estomac.

— Thé, bien sûr… et avec une cuillère de miel ! Vous l’oubliez à chaque fois… « 

— Oh… mais c’est qu’il n’a pas l’air de très bonne humeur, mon p’tit monsieur, ce matin ?!

Mon p’tit monsieur… mon p’tit monsieur… ! Non ! Je ne suis pas son p’tit monsieur ! Et je ne serai jamais son p’tit monsieur ! Elle peut bien se le carrer où je pense, son « peu-tit-meu-sieu » !

— Et vous avez vu qu’il neige encore… ?! Et ça tombe drôlement fort même ! Y z’ont prévu au moins cinquante centimètres de plus pour aujourd’hui ! J’vous dit pas ce bazar qu’c’est dehors pour circuler… reus’ment que j’viens en métro, moi !

Bien entendu, que je la vois la neige tomber dans le jardin ! J’perds peut-être un peu la boule, mais j’suis pas aveugle, non plus !

— Pas de courrier aujourd’hui ?

— Non ! Vous attendiez quelque chose ?

— Non… !

C’est exact, je n’attends rien. Rien…

Elle ramène un plateau avec mon thé et une madeleine. Attention : une, et pas deux, des fois que je prendrais du poids à trop bouffer ! Ah, quel con, lui aussi, ce toubib ! Tiens, je l’emmerde comme les autres, lui et son cholestérol ! J’ai quatre-vingt balais maintenant, alors merde, laissez-moi donc crever tranquille !

— Mais… qu’est-ce qu’elle fait posée là, vot’ carabine ? Vous savez bien que vous n’avez plus le droit de la sortir de l’armoire ! Attention, monsieur Albert… attention que je vais l’dire à votre fils si vous continuer comme ça… ! Et on va finir par vous confisquer les clés pour de bon ! Vous savez bien que c’est pas raisonnable, ça, m’sieur Albert !

— Je l’ai nettoyée… elle en avait besoin…

Pas raisonnable ? Et alors ?! Est-ce que c’est interdit de ne pas être raisonnable de temps en temps ? Et puis, une arme, ça s’entretient, sinon ça s’abîme ! Mon fils… ? Mais j’aimerai bien voir qu’il m’interdise quelque chose, ce grand con-là ! P…. , quand je pense que dans quinze jours c’est Noël, et j’vais être encore obligé de me taper sa jolie petite famille toute une journée durant…

«Faites la bise à Papy, les enfants, allons, faites la bise à Papy !»

Y s’est pas rasé depuis trois jours, le papy, et pas lavé non plus. Y pique et y pue ! L’a fait exprès, papy… ! Sales gosses qui touchent à tout chez moi, et moi, j’aurais pas le droit de toucher à ma Winchester ?! Petits cons… !

— Vous voulez que je vous lise le journal ? Mais y’a pas grand chose d’intéressant aujourd’hui… !

— Alors, c’est pas la peine… si y’a rien d’intéressant comme vous dites !

— Ah, si… ! Y’a votre voisine, madame Ballu… elle a disparu depuis hier matin… partie de bonne heure de chez elle, avec son manteau de fourrure sur le dos… et depuis plus aucune nouvelles… fuittt !… disparu, la mère Ballu… !

— Fourrure… ? Et quoi, comme fourrure… ?!

— J’sais pas ! Mais tenez… regardez donc… y’a une photo… ! Du loup, peut-être… ?

— Non, Josette ! c’est de l’ours… oh, oui, c’est de l’ours, ça… !

Et la neige tombe sur Paris, épaisse, et recouvrant tout…

Extra-lucide.

Mort. Je suis mort. Un vendredi treize, à quatorze heures et cinquante-deux minutes précisément. Arrêt du cœur. Panne de palpitant.

Pas une surprise cependant, la veille, j’avais consulté une voyante…

Il y eut d’abord cette petite douleur dans la poitrine. Rien de bien extraordinaire. Presque anodine. Puis, elle s’est faite plus précise, plus forte, insistante, tenace, irréductible enfin. Mon agonie fût brève. Deux minutes tout au plus. Une belle mort sans trop souffrir. Celle que l’on désire tous. Parfaite à tout point de vue.

Douillet, moi ? Oui ! Mais y a-t-il honte à l’avouer ?

«Madame Lola. Voyante extra-lucide. Sur rendez-vous uniquement.»

Seul, dans une salle d’attente au papier peint défraîchi. Seul, avec mon angoisse. Qu’allait-elle donc pouvoir me révéler que je ne devine déjà, cette madame Lola… ?

Brume vaporeuse dans mes yeux bien grands ouverts. Brume doucereuse tout autour de moi. Même pas peur… !

« … Ah… vous… ?! » fit-elle en m’apercevant, là, bras ballants dans un costume tout net. Comme un malaise latent…

— Asseyez-vous… ! Et choisissez une carte… allez… n’importe laquelle… !

— Mais… on ne parle pas un peu avant… ?!

— Non ! Plus le temps quand les cartes sont battues… ! Allons, tirez-en une au hasard, et vite, vous dis-je !

Afflux de sang. Larmes à gauche. Reflexes automatiques d’un corps qui résiste, qui se défend. Je suffoque, et la nuit s’installe, lentement, mais sûrement… alors, pourquoi vouloir hésiter encore ?! Non… accepter… et lâcher prise…

De l’index, j’indique. Elle retourne : « Dame de pique »… !

— Et voilà ! Je m’en doutais… la faucheuse… c’est pour demain !

— Demain… ?! Êtes-vous sûre ?! N’est-ce pas un peu tôt tout de même… ?!

— Début d’après-midi… quinze heures dernier carat !

Dors, dors, petit veinard, et pour toujours. Mes cellules claquent les unes après les autres. Déclic des synapses qui déconnectent. Et puis vitreux, le regard… Choqué ? Mais t’as perdu la mise, mon gaillard ! Treize, noir, impair, trépasse et manque !

— Et je vous dois combien… ?

— Ici, on donne ce qu’on veut, monsieur !

Je laisse un billet. Ou bien peut-être deux. Vie de vaurien ne vaut pas grand-chose. « Au revoir, madame Lola, ou bien peut-être à… Dieu »…