Braves gens.

Il était une fois. Une fois de trop.
Ta jupe relevée, collant lacéré, les voisins, depuis le palier, matent sur tes cuisses, la jolie collection d’ecchymoses.
La Police alertée, sirènes, flashs de lumière bleutée, agitation bien illusoire et terriblement obscène dans cette nuit sourde, constate les dégâts en bons professionnels avertis. On enveloppe, on tire les rideaux, on note en silence tous ces détails qui ont une importance capitale, et on conclut au différend conjugal. Banale, si banale, cette histoire…
Petite princesse du faubourg, te voilà donc encore toute cabossée, esquintée, amochée, tuméfiée. Toute déchirée. En morceaux. Déjà séché, ton sang colle à tes boucles, et le Rimmel, en rivière éperdue de larmes noires, s’étale, bien gras, sur tes joues, sur tes lèvres fendues. Mâchoire brisée, la grimace est de si mauvais goût. Vache de triste, mon bijou. Vache de triste…
Mais, je vais te débarbouiller, ma Cendrillon, c’est promis, fini le conte de fée truqué, fini l’amour qui tue, fini les « Mais, tu sais bien que je t’aime pourtant, Bébé ! », fini tous ces coups qui blessent, ces humiliations, ces cris, ces pleurs, cette peine, cette vie toujours à demi étouffée…
Oh, comme on s’en veut maintenant. Braves gens. Ah, si seulement on avait su… si seulement on avait vu ce qui se passait… ah, si seulement… ! Mais, il est trop tard, bande de cons, bande de pauvres lâches, bande d’ignobles complices anonymes. Alors, oubliez tout cela, et retournez bien vite dormir, l’esprit tranquille. Oui, car cette fois, c’est terminé. Bien terminé. Cette fois de trop…
Gisèle, mon enfant, ma petite, dans cette mare de sang, n’avait pas encore trente ans.

9 Replies to “Braves gens.”

  1. Dormez braves gens… Dormons tous pendant que l’horreur se répète si fréquemment malgré les appels au secours. Les mains courantes succèdent vainement aux mains dans la gueule. La seule chose qui ne courent pas ce sont les mesures pour empêcher l’horreur.

    C’est typiquement le genre de sujet où je trouve notre société dégueulasse. En Espagne, il existe une branche spécialisée de la police et les mesures sont vite prises et respectées.

    Nous, on regarde, on se désole, on fait de grandes déclarations et il ne se passe rien de rien…

    Ernest, ton texte est puissant. Il exprime tout ce qu’il y a à dire sur le sujet. J’espère juste qu’il s’agit d’une fiction…

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    1. « Maux&Cris », je partage ta constatation et suis parfaitement en phase avec ceux qui sont sensibles au machisme mais pourtant, vivant depuis bientôt trente ans en Espagne, je ne puis cautionner ton évaluation du problème ibérique. C’est clair que si nous avons une police spécialisée dans les mauvais traitements aux femmes ce n’est pas par hasard puisque les mauvais traitements et les crimes machistes atteignent des chiffres jamais vus dans aucun autre pays! Je regrette de dire que ton argument ne peut pas être admis dans la péninsule ibérique! Pour le reste je suis parfaitement d’accord avec toi et, si j’ai un moment, je ferai un commentaire à ce texte ‘couillu’ de l’ami Salgrenn…
      Amicalement!

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      1. Bonjour Akimismo, j’ai effectivement lu que cette police existait parce que la violence conjugale était très répandue en Espagne. Mais j’ai lu qu’elle était efficace et avait permis de fortement diminuer les cas. Je me suis sans doute mal exprimé, mais je voulais juste dire que nos voisins ibériques avaient répondu à ce phénomène et pas nous.

        Belle journée.
        Amicalement,
        Régis

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  2. Sujet complexe. On parle surtout d’éducation des « mâles », comme si cela pouvait suffire. Mais c’est toute une société qu’il faut éduquer. Ce texte va, certes, au but, un peu trop rapidement peut-être, penserons certains(es), mais n’oublions pas l’exercice de composition (Je tente d’écrire avant tout, et qu’importe les sujets abordés). Comprendre aussi, malgré tout, que je n’ai pas de leçons à donner aux autres. Certainement pas. Fiction ? Bien sûr que non ! Sinon témoignage personnel, c’est celui de tant d’entre-nous, malheureusement…

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  3. Une fiction ? Malheureusement pas… Education des « mâles », oui mais encore faut-il savoir éduquer et avoir soi-même de l’éducation et des valeurs à transmettre. Education aussi de la société à travers l’école.
    Bien écrit, comme toujours Ernest !
    (je crois que j’ai loupé un truc chez toi pendant mes vacances, il va me falloir faire quelques pas en arrière….)

    Aimé par 2 personnes

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