C’est la photo floue !

Comme pas mal d’entre-vous, j’ai plusieurs cordes à mon arc. Bien sûr, vous connaissez depuis longtemps mes éminents talents d’écrivain, mais il se trouve que j’ai aussi une passion pour la photographie, la peinture, la sculpture, et depuis peu, le bûcheronnage d’art (ou Abattage Addictif de Grands Arbres en Pleine Santé (AAGAPS)).
D’ailleurs, la jolie photographie, qui illustre ce post, est de moi. Oui, i know, elle est floue ! Mais, ne vous inquiétez pas, toutes mes prises de vues sont plus ou moins floues, c’est le signe qu’elles sont réussies.
Je suis myope. Depuis tout petit, mais au début, vers huit ou neuf ans, je ne le savais pas encore. À l’école communale, las de plisser, du matin au soir, les paupières, pour voir quelque chose à plus de cinq mètres de distance, je copiais ce qui m’était alors impossible de distinguer au tableau noir, sur le cahier à petits carreaux de mon voisin. Notons, par ailleurs, que l’instituteur avait eu la bonne idée de me placer tout au fond de la classe, jugeant certainement que je levais le doigt un peu trop souvent qu’à mon tour pour lui poser des questions auxquelles il ne savait généralement pas trop quoi répondre. C’est finalement une visite médicale scolaire et la table du docteur Monoyer qui m’a sauvé d’un échec scolaire assuré. « Z, U »… je me souviens encore de sa dernière ligne, tout en bas, et en très grosses lettres, la seule que j’arrivais à lire à cette époque !
L’on m’a ensuite refilé une jolie (mais très moche, aussi) paire de lunettes correctrices, qui, il faut bien le dire, a considérablement changé ma vie, car, sortant du brouillard et profitant de cette nouvelle capacité extraordinaire à bien voir de loin, et n’ayant surtout plus besoin de perdre du temps à recopier sur mon idiot de voisin, je passais dorénavant mes journées entières à mater en détail une petite beauté du premier rang ! Charlotte Le Coz, qu’elle s’appelait, cette gamine. Fille unique du plus grand propriétaire terrien de la région (et gros producteur de choux-fleurs). Premier choc amoureux donc, mais aussi premier gros râteau de ma vie… cette petite peste couverte de taches de rousseurs (Beurk ! les cacas mouches !) n’ayant jamais daigné m’accorder la moindre attention, préférant se ranger derrière la bande d’imbéciles heureux qui me traitaient maintenant en rigolant de « Quat’z’yeux » dans la cour de récréation ! Enfin, bref, revenons à la photographie…
Oui, il s’agit bien d’un caillou ! J’adore photographier les cailloux. Je les collectionne aussi. J’ai souvent les poches pleines de cailloux au retour de mes ballades champêtres. Celui-ci est plus exactement un galet. Le galet n’est plus tout à fait un caillou comme les autres : le galet est un caillou qui a du vécu, qui a roulé ses bosses, qui a fait de nombreuses fois le tour de la question…
Celui-ci, et cela ne se voit pas du tout sur la photo en noir et blanc, je l’ai peint en bleu. Le bleu est ma couleur préférée. J’aime le bleu plus que toutes les autres couleurs.
Celui-ci provient du lit de la Durance. Ce n’est pas marqué dessus, mais je le sais. Je peux ainsi vous dire sans me tromper la provenance de tous mes cailloux et de tous mes galets ramassés à droite et à gauche. Certains viennent de loin. J’en possède même un, tout noir, trouvé dans le désert d’Atacama (c’est au nord du Chili, pour les ignares qui ne savent pas) qui vient de l’espace. Ouais, de l’espace, vous dis-je… !
J’aime bien photographier les insectes aussi. On dit faire de la « Macro », dans le jargon des photographes. C’est plus difficile que les cailloux, certes, car bien souvent ils bougent beaucoup plus, mais comme le résultat au final est toujours flou, cela n’est pas très grave en soi. En ce moment, nous avons énormément de mouches, par ici. C’est l’époque, fin Mai, début Juin. La mouche est un animal fort intéressant pour le photographe amateur que je suis. Plus commune, donc beaucoup plus accessible que la panthère des neiges, par exemple, mais tout aussi photogénique, je trouve. Surtout les mouches bleues, qui sont, vous vous en doutiez, mes préférées…
Charlotte Le Coz, je l’ai appris, par hasard, il y a quelques années de ça, s’est finalement mariée avec l’un de ces petits boutonneux et imbéciles heureux qui se moquaient de moi au CM1. Il lui a fait trois gosses d’affilée, qu’elle a élevés seule, ce dernier ayant préféré se projeter, un samedi soir, contre un poteau électrique (en béton armé) avec trois grammes et demi dans le sang… C’est con, des fois, la vie, vous trouvez pas… ?!

Texte et photographie Ernest Salgrenn. Juin 2022. Tous droits réservés.

13 Replies to “C’est la photo floue !”

  1. Quel excellentissime texte ! Et ce n’est pas une fiction parce que je m’identifie tout à fait au narrateur! Ce sont mes photos floues, mes cailloux ( dont ceux pris au bord de la Durance) mes binocles, les moqueries que j’ai entendues… Bon ben moi, en macro, je fais plutôt dans le bombyle (impossible d’en choper un joli clair et net!) Et mon amour d’enfance s’appelait Michel Clarion… Le fils du boucher… Mais bon… C’est tout pareil finalement !!!

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  2. Comme quoi : in natura veritas ! ( Je parodie la formule « in vino veritas » puisque je n’aime pas l’alcool et que je préfère la nature, les fleurs, les animaux… Et quelques gens… parmi les plus vrais que je peux « rencontrer » sur ce chemin virtuel !)

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    1. Désolé, j’ai oublié d’activer les commentaires sur « Chiasse Royale » mais maintenant, c’est rétabli. Cette rencontre avec la Queen ? c’est inventé, of course ! Par contre, l’histoire de mon grand-père qui coule sa Rolls dans le béton : c’est authentique ! Il n’a gardé que certaines pièces, comme les phares et la mascotte… (je crois bien qu’il était encore plus dingue que moi, le pépé Salgrenn !). Bonne soirée !

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  3. Commentaire sur l’article suivant car je n’ai pas trouvé l’endroit où le placer (ce devait être occupated by the queen) : le socle de béton, c’est pour fixer le bronze de la reine ? Tout de même, un peu de pudeur !

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