L’autre jour, j’ai rencontré un connard. Un connard de complotiste. Il s’agit de mon garagiste. Mon connard de garagiste complotiste. Simple révision des vingt-mille, la vidange moteur et changement des filtres, j’y allais donc serein, les mains (gantées) tapotant sur le volant de l’Aston, un petit air de Malher (symphonie numéro 3) au bout de mes lèvres fines (rehaussées d’une moustache bien taillée).
Cet abruti (j’ai bon nombre d’autres qualificatifs à disposition, si celui-ci ne vous convenait pas) ne croît pas au Covid (on dit « la », mais le problème n’est pas là). Pour lui, tout est invention. Exit donc les millions de morts et de familles endeuillées à travers le Monde, exit les tubars qui toussent encore trois semaines (mois…) après l’avoir chopé, exit les rescapés de l’horreur des salles de réa qui ont cru voir leur dernière heure arriver, exit tous ceux qui ne le savent pas encore mais traîneront des séquelles plus ou moins lourdes jusqu’à la fin de leur existence. Exit tout ça en bloc… ! D’après lui, tout ceci n’est que du bidon, du vent, du coup monté, de la supercherie d’état bien orchestrée pour nous foutre tous dedans, parce qu’ils n’ont que ça à faire, nos élites…
Monsieur est très certainement un excellent garagiste, habile de ses mains, capable de vous caler à la lampe stroboscopique un moteur de trois cents cinquante bourrins qui a un peu trop d’avance à l’allumage, ou bien, plus subtil, de vous desserrer juste ce qu’il faut une durite de gas-oil (Mais cela fonctionne aussi très bien avec une durite de frein ou de liquide de refroidissement…), histoire d’avoir l’assurance de vous revoir dans quinze jours (on connait tous, bien sûr, la petite combine, mais on se fait avoir à chaque fois !), cependant, monsieur demeure malgré tout un pauvre handicapé de la cervelle ! Et accessoirement, un putain de criminel en puissance…
Pourquoi, je dis ça ? Parce qu’évidemment monsieur, l’innocent aux mains pleines de cambuis, se contrefiche comme de sa première clé à mollette du respect des gestes barrières. Cela le fait chier de faire comme tout le monde, nous, les moutons qui ne comprenons rien. Évidemment. Monsieur sait bien plus de choses que nous. Monsieur sait la Vérité (celle avec une majuscule). Monsieur est mieux informé que nous. Monsieur va sur internet, mais pas n’importe où bien sûr, il a ses sources vérifiées, ses sources fiables, ses sources qui ne racontent pas de conneries, elles, comme tous ces suppôts de Satan que sont devenues les autres, celles bien officielles. Et vous, du coup, vous n’êtes qu’un con avec votre masque sur le pif, votre flacon de gel hydro-alcoolique en permanence dans votre poche, et qui sent pourtant bon la menthe ou le jasmin d’été, votre petit recul lorsqu’on tente de vous faire la bise, ou encore votre ridicule check, le poing fermé, lorsque vous dites bonjour à un pote, et, bien entendu, ne l’oublions pas (et là, c’est le pompon suprême de votre terrible ignorance !) votre saloperie de vaccin tout trafiqué et qui n’est pas bon du tout pour votre santé… Un con, voilà ce que vous êtes ! Un pauvre con qui n’a pas encore compris (mais ça viendra bien, il le sait…) qu’on voulait vous rouler dans la farine depuis le début (le virus n’existe pas, mais toutefois il a été inventé dans un laboratoire chinois… cherchons l’erreur… !). Monsieur affirme donc que le Covid ce n’est rien du tout, que monsieur l’a chopé, comme tout le monde (!) et qu’il s’en est super bien sorti, même pas le nez qui a coulé, rien, pas une quinte, juste un peu mal à la tête, et qu’il a continué à bosser sans rien dire à personne, comme si de rien n’était… Monsieur a vaincu la maladie, tout seul comme un grand, et il en est fier… ! Très fier…
L’Aston tourne sur trois pattes depuis cette dernière visite au garage. Elle freine moins bien aussi. J’ai comme un doute…
Texte et photgraphie Ernest Salgrenn. Juillet 2022. Tous droits réservés.