FESTIVAL.

Cannes. Festival du film. Le soixante-dixième du nom… mais pour moi, c’est le premier.
Il pleut des cordes. Vraiment pas de chance, d’avoir un temps aussi pourri pour une première montée des marches… mes souliers vernis prennent l’eau, mon smoking Smalto (de location) sent le chien mouillé (ou le vieux torchon) et pour clôturer le tableau : j’ai la goutte au nez ! Flûte ! Dans la précipitation, je n’ai même pas pensé à prendre un mouchoir… la sympathique Catherine (Deneuve) m’en file un en loucedé, tiré de sa pochette Hermès à cinq mille balles (et un peu plus). Je vais le conserver ce tire-jus, cela me fera un joli souvenir à montrer plus tard.
— Ernest… ! Ernest… enlevez vos Ray-Ban pour les photos ! m’apostrophe l’un de ces crétinos de photographes (attitrés) aux gueules avinées de maquereaux albanais.
Non ! Certainement pas, Duglandu ! Apprenez que je n’enlève jamais mes lunettes de soleil ! J’ai les mirettes hyper sensibles, elles craignent la lumière des projecteurs et si je ne fais pas gaffe cela me file à chaque fois de terribles migraines ophtalmiques…
Mon film en compéte au festival de Cannes… qui l’aurait cru ? Vous ? Pas moi, en tout cas !
Je prends la pose, un bras autour de la taille de Virginie (Efira). Rafale de flashs… Elle sent très bon, elle…
C’est moi qui ai soufflé son nom aux producteurs (Samy et Davy) pour tenir le rôle de Zoé. Je ne voyais qu’elle dans ce rôle clé. Peut-être l’ai-je même écrit pour elle, ce personnage. Mais sans vraiment le savoir finalement car ce n’est qu’une fois mon bouquin achevé que cela est devenu comme une réelle évidence. Sachez tout de même, pour la petite histoire cinématographique, qu’elle (Ninie) a renoncé au tournage du prochain « James Bond » pour être dans mon film ! Elle sent vachement bon mais elle a aussi beaucoup d’intuition, cette gamine !
Gérard (Depardieu) tente de lui mettre une main au fesses tandis qu’on commence à monter les marches. La vieille école… dont il resterait bien encore quelques survivants !
Oui, lui aussi est dans mon film. Cette fois-ci, c’est Samy et Davy (les deux prods, pour rappel) qui ont insisté pour que ce dernier fasse partie de la distribution. « Hyper bankable » (du verbe to bank : convertir en argent), l’horrible jojo ventru, ont-ils assuré… Pour tout dire, je n’avais très honnêtement aucun argument valable pour refuser…
Ceci dit, in final, je l’admets : c’est un bon acteur, notre gros Gégé national. Un peu chiant à la longue avec ses tonnes de blagues salaces à deux balles et ses concours de pets foireux, mais un très bon acteur.
Tout en grimpant l’escalier, je remarque que la moquette rouge nous fait de sacrés plis par endroits. J’ai toujours eu le sens de l’observation, même quand, comme ici, les circonstances ne l’exigent pas.
Treizième marche. Arrêt et demi-tour pour une dernière photo du groupe. Romain (Duris) en profite pour me souffler à l’oreille « Tu vas voir, mon vieux, je suis certain qu’on va la décrocher, la palme d’or ! ». Optimisme, quand tu nous gagnes…
Avec Roro ça a tout de suite matché entre-nous. Il est vraiment cool, le Roro. Et le rôle du petit Jésus lui va comme un gant. Plus vrai que nature en petit Jésus…
La treizième marche… mais pourquoi celle-là et pas une autre… ? La douze aurait très bien pu faire l’affaire, non ? Ne suis pas superstitieux, enfin, pas trop, mais tout de même…
Gégé nous lâche un vent. Un bien balèze, dont il a le secret, et qui fait du bruit. Tout le monde se marre (La Deneuve, Ninie, Roro, Niney et Jeannot (Dujardin). Sauf bibi… parce que voilà que je pense encore à ce numéro treize, c’est plus fort que moi !
On repart. Le président (Thierry) nous attend tout là-haut et semble un peu s’impatienter. On a pris du retard probablement…
Soixante mètres de moquette rouge, quatre mille huit cents photographes, soixante dix films projetés en douze jours, cinq semi-remorques de champagne consommé dans le même temps et… ces fameuses vingt-quatre marches à gravir… ! Vingt-quatre, ce n’est pas beaucoup finalement, on pense souvent qu’il y en a plus que ça.
Je connais tous les chiffres par cœur… c’est un peu ma marotte, les chiffres. Mon film, par exemple, a coûté plus de sept millions d’euros au total. Hors cachets des comédiens, bien entendu, sachant que La Deneuve et Gégé nous en coûtent autant rien qu’à eux deux…
Enfin, il parait que c’est une vraie réussite, ce putain de film (MON putain de film !), qu’il va faire un carton et qu’on va vite rentrer dans nos sous. Il vaudrait mieux d’ailleurs parce qu’à la vérité je n’ai plus un seul radis sur ce coup-là. Plus rien, nada, zéro zeuros en banque ! Non, pardonnez-moi, je me trompe, pas zéro, beaucoup moins que ça… on en serait à moins cent vingt-cinq mille d’après le coup de fil de mon banquier pas plus tard que ce matin ! J’ai même du me faire avancer par Josette (mon assistante) les deux cent balles demandées pour la caution du smoking… Je suis ruiné. Voilà, c’est ça le mot exact, ruiné… !
Vingt-deux, vingt-trois, et la petite dernière enfin… vingt… merde… Les pieds dans le tapis… ! Déséquilibré, je m’agrippe à la robe de Ninie (Fifira), Jeannot (beau gosse) tente bien de me rattraper au vol (sans succés), tandis que Gégé en lâche une de surprise, La Deneuve, toujours très pro quelques soient les circonstances se tourne immédiatement du côté de son meilleur profil, quant à mon Roro (ou Dudu, je ne sais plus… ) pas le temps de voir parce que je suis déjà parti vers le bas… la chute… le drame de la gravité… le couac burlesque… la glissade sur moquette… d’abord un salto arrière, puis un autre, mais après j’avoue que je n’ai plus compté…
Je me relève… en petits morceaux. Pas le temps de ramasser mes lunettes qui ont volé que des dizaines de flashs crépitent déjà… J’en prends plein la poire pour pas un rond… les hyènes… !
Dudu Romain (ou Roro Duris…), bon camarade, redescendu en quatrième vitesse est déjà à m’aider…
— Génial… ! T’es vraiment génial, mon pote ! Putain, cette cascade de dingo ! Si avec ça on décroche pas la palme… j’me fais curé !
— Hein… ? Dis, t’aurais pas un paracétamol… ?
— Quoi… ?
— Un cacheton de Doliprane… je crois bien que je commence à avoir la migraine…

Texte et photographie : Ernest Salgrenn (tous droits réservés et enregistrés). Mai 2023.

Cinq minutes avec Josette Moulina.

En ce moment ma vie ressemble de plus en plus à celle d’Arlette Laguiller. Ce matin, dès potron-minet, je suivais sur des sentiers boueux et dans une brume épaisse, une bande de récalcitrants à l’installation d’une centrale photovoltaïque géante en plein milieu de la forêt de Gironde, puis de retour sur Bordeaux dans l’après-midi, j’arpentais cette fois la rue Sainte Catherine, gueulant à tue-tête des slogans anti-retraite à 65 balais, pour terminer la soirée chez moi en beauté, en décidant d’entamer une énième grève (reconductible) du sexe ! Ainsi donc, le mouvement social m’anime du matin au soir… !
Mon mari est un con. Et ça ne date pas d’aujourd’hui. Il n’a absolument rien compris au Féminisme ! Mince, ce n’est pourtant pas si compliqué que ça à comprendre ?! Nous voulons juste être considérées pour ce que nous sommes, des êtres humains comme tout le monde, et avoir enfin les mêmes droits que vous, petits connards du patriarcat !
Jules (c’est bête, mais mon jules s’appelle Jules !) ne fait vraiment aucun effort. Je me demande encore pourquoi j’ai accepté de l’épouser… par pitié, peut-être…
Il ne le sait pas, mais deux de nos gosses ne sont pas de lui. Seul le premier des trois est son œuvre. C’est d’ailleurs celui que j’aime le moins. Si vous pouviez voir comme il a une sale tronche celui-ci ! La même que celle de son père ! Déjà tout petit, lorsque je lui filais le sein, j’avais la nausée, pour vous dire comme il est laid, ce gamin !
N’importe comment, je n’ai pas la fibre maternelle. Les autres, les deux bâtards, je ne les aime pas plus. Ils sont un peu moins laids, certes, mais cela ne fait rien, le courant n’est jamais passé avec les mioches !
L’amour d’une mère ? Tu parles, Charles ! Laisse-moi rire ! La mienne (de mère) ne m’aimait pas non plus. Une véritable garce ! Aujourd’hui, elle est entrain de crever à petit feu dans un hospice où je ne vais jamais la voir. Elle n’a que ce qu’elle mérite, le jour vient tôt ou tard où il faut régler son ardoise…
En ce moment, c’est vachement dur pour tout le monde. Les fins de mois ne sont pas faciles à boucler. La crise s’est installée, et personne ne sait trop comment ça va se terminer tout ça… Nous, en attendant, on bouffe des pâtes ! Mes gosses aiment bien ça, les pâtes, mais mon mari, lui, il se plaint qu’on bouffe toujours la même chose. Comme je lui ai dit : « Si t’es pas content de ton sort : t’avais qu’à mieux bosser à l’école, ou alors rentrer dans la fonction publique ! »
Non, au lieu de ça, cette espèce de raté se fait exploiter par un patron sans aucun scrupule et presque aussi con que lui ! Il pose des affiches sur des panneaux publicitaires, à l’aide d’un balai monté sur une perche et d’un seau plein de colle. Des grandes affiches de 4 par 5 qui vous incitent à acheter de belles bagnoles tout à l’électricité et à quarante mille balles minimum, ou bien, d’aller passer de super chouettes vacances au soleil dans des quatre étoiles avec une grande piscine toute bleue, un dauphin en mosaïque dessiné dans le fond. De sacrément belles affiches toutes en couleurs… et toujours, bien sûr, une superbe greluche en maillot de bain qui se la joue princesse au bords de leurs piscines de luxe… garanti… y a toujours cette petite salope au cul bien ferme et sans aucun bourrelet sur les hanches ! Avec des belles ratiches aussi, bien blanches et qui clignent au soleil ! Mais arrête donc de sourire comme ça, pauvre pouffiasse ! T’es conne ou quoi, t’as pas encore compris qu’on t’exploite ?!
Moi, le dentiste, ça fait un sacré bail que je ne le vois plus. Trop chère, la séance de roulette. Je me détartre moi-même, avec du bicarbonate de soude, en poudre, à l’ancienne. Ça mousse beaucoup et ça pique un peu les gencives, mais ça me coûte pas un radis !
Jules, lui, il les a presque toutes perdues ses quenottes. Au début, lorsque je l’ai connu il lui en manquait déjà pas mal, mais là, maintenant, même celles du devant se sont barrées ! Il s’en fout, n’a jamais été un grand soigneux, Jules…
Je ne sais pas pourquoi je demande pas le divorce d’avec Julot… par pitié peut-être, là encore…
Deux fois par semaine, les après-midi en général, je m’envoie en l’air avec Roger Gauduchon. Lui, il bosse dans les assurances. À la Mamouth. C’est bien, la Mamouth. On est drôlement bien couverts avec eux. Et puis avec Roger, on a eu de bonnes réducs sur les tarifs. C’est normal, ma chérie, qu’il m’a dit, ça me coûte rien de faire de temps en temps un petit geste commercial pour mes bons clients. Il est sympa, Roger…
Pour nos galipettes, on va toujours chez lui. On y est tranquilles, sa femme tient un commerce et elle ne rentrera jamais à l’improviste : on ne peut pas fermer un commerce comme ça, en pleine journée… surtout par les temps qui courent… En tout cas, c’est ce que pense Roger. On verra bien…
D’après le calendrier, j’ai trente-deux ans aujourd’hui. Trente-deux piges seulement et j’ai déjà raté ma vie…

Texte et photographies Ernest Salgrenn. Mars 2023. Tous droits réservés.

Beurk… !

Quelque chose s’est cassé dans le monde d’Ernest Salgrenn…
Un bâton merdeux dans la roue… une fiente de pigeon sur l’épaule… Du dégueulis qui pue sur mes mocassins à glands…
Plagiat… ? Connaissez-vous ce mot et sa définition ?
« Le plagiat est une faute d’ordre moral, civil ou commercial, qui peut être sanctionnée au pénal. Elle consiste à copier un auteur, ou accaparer l’œuvre d’un créateur dans le domaine des arts, sans le citer ou le dire, ainsi qu’à fortement s’inspirer d’un modèle que l’on omet, délibérément ou par négligence, de désigner. Il est souvent assimilé à un vol immatériel… ».
Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Wikipédia !
Vous voulez que je vous raconte ? D’accord, mais avec des pincettes, alors ! Pourquoi dois-je faire gaffe à ce que je dis ? Parce qu’il existe dans le droit français quelque chose que l’on nomme le droit à la présomption d’innocence et seront sévèrement punis ceux qui ne l’observent pas…
Non… ! mieux que ça… ne prenons pas de risques inutiles : je vais vous laisser vous faire une opinion par vous-même… du coup, je ne fais qu’informer et pas dénoncer… d’ailleurs, je n’ai encore cité personne à ce que je sache…
« Son assosse, à Josyane, se nomme « Un p’tit bif’ton de vingt pour nos crétins ! »… ou quelque chose d’approchant…
Le crédo ? Un téléphone portable pour tous nos adolescents !
Noble cause que celle-ci, sachant que de nos jours, un virgule trente sept pour cent de nos jeunes, âgés de dix à seize ans, ne posséderait pas encore leur propre smartphone ! Insupportable, non… ?
Oh, ça oui, alors ! Comment un aussi grand nombre de parents pouvaient bafouer à ce point les droits les plus élémentaires de notre jeunesse boutonneuse ? Cette belle jeunesse si désireuse de s’envoyer toutes les vingt secondes des textos bourrés de fautes d’orthographes, ou bien de se vider –ce qui était fort légitime après de longues journées scolaires bien remplies– en consultant l’un de ces innombrables sites internet, ô combien éducatifs, mais à caractère néanmoins presque exclusivement pornographique, les… les esprits !
… »
Voici ce que j’ai écrit. Il y a plus de deux ans maintenant, dans le chapitre 26 de mon roman « Le coup du Dodo ». Chapitre que j’ai posté dans mon blog mais aussi sur une plate-forme d’écriture bien connue qui se nomme « L’atelier des auteurs ». Le tout avec preuve de paternité et d’antériorité. Je rappelle d’ailleurs que mes textes sont enregistrés officiellement auprès de la SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques).
Et voici maintenant ce que j’ai vu et entendu à la télévision (TF1) le 24 novembre dernier et les jours qui ont suivi : https://www.tiktok.com/@lelateofficiel/video/7171488745311522053

Alors ? c’est moi, ou… ?!

PS : Comme ce n’est pas trop tard… bonne année à toutes et tous ! Même si le cœur n’y est pas…

Texte et photographie Ernest Salgrenn. Janvier 2023. Tous droits réservés.

Chu…

Sa pipe, Ernest, a cassé.
A cassé, Ernest, sa pipe.
Cassé, Ernest, sa pipe, a.
Oui, Ernest Salgrenn a cassé sa pipe… !
De l’échelle sur le toit monté. Une glissade et c’est la tuile ! Badaboum ! Chu sur le cou ! Crac ! Bris d’os !
Ils sont déjà nombreux mais il en arrive encore. De petits groupes se sont formés dans l’attente. Noirs, ils piétinent sur place, tels de gros corbacs dans un champ de Beauce fraîchement retourné. Deux chats, un rouquin et un autre rayé de gris, observent, familiers de ces manèges désenchantés, leurs culs bien gras posés sur un marbre gelé.
Division dix, allée Grammont. La bonne nouvelle est que Desproges sera mon voisin de droite. Cela nous promet d’éternelles rigolades. Mais, ce petit trou-là, juste à côté de lui, m’a coûté une fortune. Pas donné la concession par ici ! Pour commencer, j’en ai pris pour trente ans. Après, nous verrons…
Drucker est là, dans son fauteuil à roulettes, un plaid à carreaux sur les genoux. Quand on vous le disait qu’il nous enterrerait tous… ! Big, Gad, Florence, Jérome, Kad, Franck… là, eux aussi. C’est chouette tout de même d’avoir tout ce joli monde à son enterrement. Me voilà bien rassuré, moi qui craignait tant que personne ne se donne de la peine pour moi.
« Pute borgne ! qu’est-ce qu’on se pèle les roubignoles ! aurait quand même pu attendre le printemps, ce connard ! »
Changera jamais le Big. Toujours aussi lourd, grossier, obscène et scatologique. Mais, je lui pardonne, c’est un bon gars avec un cœur gros comme ça. Je crois que je l’aimais bien, finalement…
— Ça m’étonne que tu sois venu… il t’avait pas mis un procès au cul pour plagiat, l’Ernest ?
— Si, mais on avait trouvé un arrangement à l’amiable…
Menteur. Mais cela n’a plus tellement d’importance, à un moment donné, il faut aussi savoir passer l’éponge.
Tiens ? ça bouge, ça frémit, ça s’agite, là-bas dans le fond, derrière la haie de cyprès…
Le Président. Des français, bien sûr, pas de la Comédie humaine ! Vous êtes cons, des fois ! Toujours superbe, le profil grec. La classe impériale, comme toujours, notre césarinot. Courbettes sur son passage altier. Madame à sa main, en Balmain, attire les regards. C’est sympa qu’ils se soient déplacés, les deux. Cela me touche. Si, vraiment. Quand je pense que je ne m’étais même pas rasé le jour de ma remise de rosette ! Faudrait que j’arrête toute cette provoc gratuite, un jour. Un jour, peut-être…
Et me voilà. En retard, comme d’habitude. « À mon ami » , lit-on sur la gerbe de lys blanc. C’est vrai que ça caille sec, ce matin, l’a raison, le gros Big.

Hein… ? Attendez… une seconde… ? « Mon ami »… ? comment ça, mon ami… ? je ne savais même pas que j’avais un ami… comment aurais-je pu le deviner… trop occupé, pas le temps, autre chose à faire… ne savais pas, non, ne savais pas, je vous le jure… ! Mince, j’aurais certainement du faire beaucoup plus attention à ça… c’est si précieux, un ami…
Mais… j’y crois pas ! Qu’on me pince ! C’est quoi ce curé en tenue d’apparat derrière la grosse bagnole américaine ? Font chier, je l’avais pourtant bien précisé : j’veux pas voir de cureton ! Nom de Dieu, c’est pas possible, ça ! À quoi ça sert donc d’écrire ses dernières volontés si au final, on ne les respecte pas ? Et la musique ? J’espère que ça au moins il vont bien me la jouer tout à l’heure, lorsque je descendrai dans mon trou, ma jolie musique à moi que je me suis choisi ! Du Mozart. Et du bien tristounet, comme j’aime, rien que pour les voir tous chialer comme des madeleines. Ouais, tous ! Même la Bellucci. Surtout, la Bellucci ! Veux qu’elle chiale sa race, la bella Monica, voir son rimmel dégouliner sur ses joues toutes violacées, son petit nez couler de morve, ses lèvres pulpeuses trembloter de sanglots… Qu’elle soit moche, la Madone, pour une fois !
Rancunier, Ernest ? Parfaitement ! Et alors ? Quoi ? Dites-vous qu’après tout, cela sera mon dernier kif, le tout dernier, l’ultime pied de nez de l’artiste avant que ne s’éteigne, pour de bon, la lumière vacillante au fond de ses yeux…

Texte et photographies : Ernest Salgrenn. Décembre 2022. Tous droits réservés.

Automne, ô désespoir…


Cela fait un bail. Oui, cela fait un sacré bail que je n’écris plus rien sur mon blog. L’automne ne m’inspire guère, l’on dirait. Et puis surtout : j’ai un peu de mal à taper sur mon clavier avec mes moufles en laine. Et pourtant, il y a tant à raconter en ce moment…
Bon… commençons par les choses qui fâchent : la pénurie d’électricité dans notre beau pays ! Voilà donc qu’on nous avertit (et depuis déjà pas mal de temps, car pour ça, faut voir comme ils sont prévoyants… !) que cet hiver nous allons subir des coupures de courant, faute à un manque à venir dans la production de nos belles centrales nucléaires (si, monsieur, c’est beau, une centrale nucléaire !). Là, on peut se poser plusieurs questions, et la toute première : mais pourquoi donc ?
Oui, pourquoi donc allons nous manquer de courant, alors que nous avons plus de cinquante centrales nucléaires ?! La réponse de nos responsables serait celle-ci : « Hé, ben, c’est à cause du Covid, mon con ! »
Tout d’abord, sachez monsieur le secrétaire d’état aux énergies, qu’on dit pas Le Covid, mais LA Covid ! Ah ! elle a sacrément bon dos, cette Covid… ! Une véritable mule marocaine : on la charge autant qu’on peut, quitte à lui briser ses petites pattes sous le poids des accusations ! C’est véritablement honteux de faire ça à un pauvre petit virus sans défense ! Bande de salopiots, va !
Non ! Ben, non, ce n’est pas du tout la faute à la Covid : c’est surtout la faute à un manque d’organisation ! Il était où le responsable en chef de la maintenance de nos centrales ? Hein, il était où, ce fainéant, ces trois dernières années ? En slip de bain aux Seychelles ? En réunion à la Réunion ? Aux Marquises à jouer les princesses ? Où qu’il était ? Où, bon sang de bonsoir ?!
Voilà, ça, c’est fait. Passons à la suite. La moutarde ? Alors, ça y est, vous avez vu comme moi : elle est revenue dans nos rayons ! Mais, en couleur ! Un drôle de vert un peu flashi ! Perso, je m’en passe pour le moment, j’attends la prochaine récolte, mais c’est vous qui voyez !
Ensuite. Ensuite, c’est pas mieux ! Tout augmente. Rien n’échappe à la crise. L’essence bien sûr, mais tout le reste aussi. Cette fois, c’est l’Ukraine qui trinque. Enfin, le conflit en Ukraine, plutôt. Ah, si seulement on avait su qu’un si petit pays pouvait nous attirer de si gros emmerdements… ! Mais bon, nos dirigeants ne sont pas là pour prévoir ce genre de choses, ça se saurait depuis longtemps si c’était le cas ! Enfin, tout n’est pas perdu : il nous reste les Américains et les bons d’aide gouvernementale aux miséreux que nous sommes devenus…
Les Américains. S’il y en a bien qui sont là à chaque fois pour sauver le Monde, ce sont bien eux ! God save the Queen ! Hein ? Oui, mes excuses, je m’ai trompé… in god we trust, que je voulais plutôt dire ! Et God se traduit par dollars, of course…
Les bons d’aide ciblés. Ou : « Donner plus pour reprendre plus »… ! Merci, mais du coup : je préfère crever de faim tout de suite, si j’ai le choix ! L’agonie est toujours moins pénible lorsqu’elle ne s’éternise pas de trop ! Sinon, faites des stocks, les gars : la vaseline commence déjà à manquer dans les pharmacies…
Du positif ? Je sais pas. Je cherche, je cherche…
Ah, si… on m’a plagié ! Et pas n’importe qui : un humoriste très célèbre ! Enfin, toute une bande plutôt, car eux doivent se mettre à plusieurs pour écrire leurs sketchs. Voler ? oui, vous avez raison : voler, plutôt qu’écrire… ! Pourquoi je fous ça dans la rubrique « positif » ? Parce que ça fait toujours plaisir d’être plagié ! Cela prouve finalement qu’on a du talent ! Et puis, tout cela va me rapporter un max de flouze. J’ai bien failli dire brouzoufs… mais cela vous aurait mis sur la piste de mon imposteur…
Bon, je vous laisse, mes loulous, je dois remettre du bois (de la palette piquée à Intermarché) dans ma cheminée… comment ça c’est toxique, la palette ? Non, vous déconnez, là… ?!

Évidemment, l’intégralité de ce texte est protégé par mes droits d’auteur, en l’occurrence : moi, Ernest Salgrenn. 02 décembre 2022. Qu’on se le dise… !

Inflation.

Les « Firsts » d’Air New Zealand sont hyper cosy. De la pure laine de mouton un peu partout. Leur pinard n’est pas mal non plus, je dois l’avouer.
« …Chardourney or cabernette chôvignonne, sir ?… »
L’accent rapeux de mon hôtesse me sort des vapes. Elle a du poil aux pattes, la kiwi, et certainement de nombreuses heures de vol à son compteur, dont une grande partie de nuit et sur le dos, à considérer la taille impressionnante de ses cernes !
Ça m’a pris comme ça, avant-hier matin. Ben, ouais, comme ça ! Un tour du Monde en first classe. But, why not, après tout ? Depuis quelques temps déjà, je tournais en rond chez moi, et c’est grand chez bibi, dans les cinq cent mètres carrés, et encore, c’est sans compter la pool-house et les sous-sols aménagés. Pour tout dire, je m’ennuyais un max. Et tout le monde sait qu’un tel état semi-végétatif n’est jamais très bon pour le moral. Plus tu tournes et vires ainsi comme une loque, plus tu cogites en boucle dans le vide, et plus la situation s’aggrave. Pas bon. Pas bon du tout.
L’escale de deux heures à Singapour m’a permis d’apprendre que la Queen est morte. Drapeaux en berne. Moi, j’ai offert une tournée générale de champagne. L’ai jamais bien kiffé, la Lisbeth deux. Et puis l’autre niais, aux grandes escourdes, ceci qui va prendre sa suite avant même qu’elle soit sous terre, la vieille peau, pas mieux.
Notons qu’il était assez dégueu, leur champ, au salon VIP. Trop de bulles. Un regrettable petit bémol à cette chocking-party improvisée…
Auckland. Enfin, dirais-je. C’est super loin, les antipodes, même en first class. Il pleut des trombes d’eau tiède, et personne ne parle un foutu mot de français, par ici. Tout est noir ou bien gris. Plutôt noir d’ailleurs, comme le chauffeur de ma limousine. Un brave type qui tente une approche dès que j’embarque dans son carrosse qui embaume le cuir ciré et la bombe désodorisante au citron vert.
 » Adorrre la France… misieu ! « 
Ouais, moi aussi, mon coco, et tu vois, c’est pour ça que je me barre dès que je le peux !
Me dit encore, dans son drôle de patois des caraïbes, qu’il a de la famille chez nous, les gentils frenchies. Et, bien entendu, rêve d’aller leur rendre visite un jour… toute une bande d’haïtiens, installés, sans aucun doute, dans des logements sociaux délabrés et crasseux du côté de Châteauroux, ou, peut-être, de Clermont-Ferrand. Comme d’habitude, mon imagination débordante fait le reste du boulot… alors je prends des notes sur mon Iphone 14, histoire de ne pas oublier toutes ces belles images de misère qui défilent si clairement dans ma caboche. Une nouvelle ébauche de projet d’écriture sur un fond très sombre de boat-people vaudouïsé… Pourquoi pas un polar, cette fois ? Découpage à la machette, amulettes criblées d’aiguilles, égorgements à gogo dans des caves qui puent la pisse de rat… Fais chier ! la machine à historiettes ne s’arrête donc jamais, rien n’y fait, même pas le décalage horaire, c’est presque du non-stop dans mon ciboulot de dingo… Gérard de Villiers, sort de mon corps, je t’en supplie ! J’en peux plus… !
Hôtel Sofitel. Face au port de plaisance. Les mats des voiliers vous font un de ces « cling-cling » assourdissant avec le vent qui rafale. Mais, là encore, le grand luxe. Monsieur Salgrenn ne se refuse jamais rien, c’est maintenant bien connu de tous !
Un personnel trilingue, mais tiré à quatre épingles, est au garde à vous devant l’empreinte de ma carte Premium qui donne le ton juste pour la suite à venir. Ma suite, justement… dernier étage, of course, marbres, dorures kitch, moquette wool-mark, mini-bar, et tout le tralala habituel, mais surtout cette putain de vue époustouflante à 180 degrés sur la mer de Tasman vert-grisaille et l’îlot Motutapu… Motutapu, l’île interdite… l’ile sacrée… Là aussi, il a du s’en passer des trucs… immolation tribale, anthropophagie, orgie, dépucelage de vierges impubères pour la bonne cause… tout un programme à fouiller…
Naze, je me jette direct sur le king-size sans enlever mes pompes sales. Chez moi, je l’aurai pas fait, c’est vrai. Chez moi, je fais gaffe à pas saloper. Chez moi, je suis un autre homme. Un être bien civilisé qui salope pas les couvre-lits et qui rote jamais après les repas. Ou alors, discrètos, toujours en loucedé. Mais là, aux antipodes, je me lâche un peu, histoire d’amortir le voyage.
Merde ! 15 000 balles, le trip… ! et faudra compter autant pour le billet retour ! C’est vraiment pas donné, la grande classe ! Faut-il en aligner de l’oseille aujourd’hui, pour avoir son petit confort à soi ! Enfin, je parle de retour… mais en vérité, je ne sais pas encore s’il y aura un retour… pas sûr…
Porqué ? Parce que ! Parce que finalement, la France, ce n’est pas le Pérou. Un joli pays certes, mais peuplé de cons. Oui, je confirme. Des cons par milliers. Des tas de cons qui se lamentent sur leur sort à longueur d’année. Comment ça, tout augmente en ce moment ? Et paraît aussi qu’il n’y a plus de moutarde forte dans les rayons de vos supermarchés ? Ouais, et alors ? qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, moi ? Ce n’est tout de même pas de ma faute s’il y a la guerre en Ukraine ! Voyez donc plutôt ça avec monsieur Poutine ! Et puis, oh ! hé ! le pognon, c’est fait pour être dépensé, non ? sinon, à quoi ça sert ? Et attendez, la meilleure de toutes : voilà maintenant qu’on découvre qu’il va faire froid cet hiver, un scoop ! et qu’avec tout ça, on va avoir du mal à se chauffer ?! Ben, z’avez qu’à faire comme moi, les gars : faites vos valises et partez vous dorer les miches au soleil ! Ah, quelle bande de blaireaux, tiens !
Demain, si fait beau, j’irai voir fumer les geysers, à Roturoa. En hélico, bien sûr. J’ai réservé une suite au Prince’s Gate hotel. On m’a affirmé que c’est celle où avait dormi la reine Victoria…

Dans le mur…

Ce matin, un lapin, et… Bon, OK ! les plus perspicaces d’entre-vous l’auront tout de suite compris : je n’ai pas grand-chose à vous raconter aujourd’hui ! J’ai chaud et je rame… un peu comme tout le monde, quoi !
Ah, si… les infos télévisées de treize heures… avez-vous suivi les infos du treize heures ? Finalement, lorsque je suis en panne d’inspiration il n’y a rien de mieux que les journaux télévisés : toujours quelque chose à en tirer, de la matière à exploiter, du grain à moudre, une mine de conneries livrée par wagons entiers (prononcer « vagon » si vous êtes de l’autre côté de la frontière). Un vrai régal !
Des exemples ? J’y viens…
La canicule. Sujet d’importance.
Il fait chaud, les thermomètres qui s’affolent, les climatisations à fond les ballons, et ça tombe vraiment mal qu’il fasse aussi chaud en été parce qu’on doit faire des économies en énergie, une énergie qui nous coûte de plus en plus cher… alors, c’est recta : voilà une nouvelle mesure du gouvernement ! Et laquelle, donc ?
On va obliger les commerçants à fermer leurs portes de magasins because, leur clim, sinon, elle marchera pour rien ! Pas onc ! Mais pas sûr, non plus, que c’est avec des mesures comme ça, qu’on va se sortir du pétrin ! Et l’hiver ? Non, non, ça va, pas la peine de leur dire : ils fermaient déjà parce que sinon, le chauffage, ça ne servait à rien ! Bon, comme toujours, il y en a, dont la commerçante interrogée (magasin de vêtements qui viennent tous de Chine ou du Vietnam) qui ne sont pas d’accord avec cette nouvelle mesure. La raison ? Madame ne pourra plus cavaler à fond de train après les voleurs à l’étalage… ! Véridique !
La sécheresse. Autre sujet d’importance.
Bon, ça fait déjà deux mois qu’on en cause tous les jours, mais apparemment on attend le dernier moment pour faire quelque chose. Comme d’ab, quoi ! Voilà pas qu’on supprime les douches sur les plages ! Sauf que là aussi, ça gueule ! Pas content du tout, le touriste moyen, oh, la, la, pas content du tout !
Au micro, un blaireau en maillot pris au hasard sous un parasol Miko : « Moi, ça me fait chier de rentrer chez moi avec les pieds plein de sable ! ». J’avoue que, perso, je ne savais pas qu’il y avait des douches maintenant sur toutes les plages de France. M’excuse de mon ignorance, mais de mon temps, y’en avait pas ! On s’essuyait le plus gros avec nos serviettes, on foutait du sable un peu partout dans la bagnole, et papa gueulait. Bon, papa, il gueulait tout le temps, fallait pas trop s’en faire pour ça. Une fois à la maison (enfin, chez mémé, parce que les grandes vacances c’était toujours chez mémé, en Bretagne), on se rinçait au jet, dehors sur la terrasse, pendant que papa époussetait soigneusement les tapis de sa Citroën. Après ça, on mangeait une bonne salade avec des légumes qui avaient du goût. Comme presque tout le monde, quoi…
Les feux en Gironde. Autre sujet d’importance.
Des milliers d’hectares partis en fumée, et ce n’est pas fini, ça ne fait que commencer. Je ne reviendrai pas sur la déclaration de madame la préfete du coin, l’autre jour, qui engueulait au tout début de l’incendie, les journalistes, parce qu’ils osaient employer le terme de « Feux majeurs ». Elle s’offusquait grave la petite dame… Évidemment, on la comprend un peu, pas envie de faire des vagues, la mère Simone, et qu’on attire l’attention sur elle, principale responsable de la mise en place des mesures visant à lutter contre les feux de forêts… bon, je dis ça, je dis rien… !
Mais, soyons juste tout de même, les journaleux, c’est vrai, qu’eux aussi, ils nous débitent pas mal de conneries… Non ! Le débroussaillage obligatoire, ce n’est pas pour protéger la forêt ! C’est pour protéger les habitations ou les infrastructures qui sont en bordure de forêt ! Ce n’est pas du tout la même chose ! Tiens, parlons-en du débroussaillage… au vu des images, j’ai l’impression que par là-bas ce n’est pas une préoccupation majeure (oui, je dis majeure quand j’veux, madame Simone !). L’était beau le camping des flots bleus… les gens y étaient bien à l’ombre ? Venez donc voir autour de chez moi… vous verrez la différence !
Le cliff jumping. Sujet secondaire, celui-là, mais bien sympatoche pour meubler un peu quand il n’y a pas une horrible guerre près d’ici qui fait des milliers de morts (Hein… ? Y’en a une ?).
Savez pas ce que c’est, le cliff jumping ? C’est la nouvelle mode qui consiste à sauter dans l’eau du haut d’une falaise abrupte. Pour les moins doués, en bombe, pour les plus cons, en faisant des figures plus ou moins désordonnées. Attention, en conclusion, faut pas le faire parce que c’est drôlement dangereux tout de même, surtout si y’a pas assez de fond… transition toute trouvée (et là, je dis, bravo !) pour nous parler ensuite des Urgences qui saturent un max pendant l’été… (et ça, non plus, on pouvait pas le prévoir…)
Après, juste avant de rendre l’antenne, et la météo qu’annonce son dôme de chaleur ou bien sa goutte froide, il y avait un reportage sur un glacier. Pas celui de la mer de glace à Chamonix qui fond aussi vite que ma retraite, non, celui de Strasbourg, un artisan. Histoire de nous rafraîchir un peu, les idées…

Texte et photographie Ernest Salgrenn. Juillet 2022. Tous droits réservés.

Cognitif…

Cette nuit, j’ai fait un rêve très étrange…
Voilà, que dans ce rêve si curieux, je me voyais, moi, Ernest Salgrenn, doté d’un pouvoir extraordinaire, un super-pouvoir bien plus fantastique encore que tout ce qui vous est possible d’imaginer ! En effet, si je ne pouvais voler à la vitesse de la lumière, ni déplacer des montagnes grâce à une force herculéenne, ou (et pourtant, j’avoue que cela m’aurait beaucoup plu !) m’agripper aux murs et me suspendre aux plafonds, tel Spiderman, l’homme-araignée des Comics Marvel, je possédais néanmoins un pouvoir encore plus étonnant, un incroyable don quasi surnaturel qui me permettait de changer notre Monde, car… on m’écoutait… ! Oui, vous avez bien lu… on m’é-cou-tait !
Au tout début de ce rêve, cela commençait de façon presque anodine. En réalité, je ne savais pas encore que ce pouvoir était là, déjà bien présent pourtant, et je ne me rendais pas compte de sa puissance démesurée. J’ai commencé par dire à mon petit-fils, Cloud, (très probablement en vacances chez nous pendant ce songe, et je rajouterai tout de suite pour ceux que son prénom interroge que mon gendre travaille comme commercial chez Free…) se brossant les dents devant le lavabo : « Tu devrais penser à fermer le robinet pendant que tu te brosses les dents, cela gaspille de l’eau pour rien… et l’eau, tu sais, mon petit, c’est important de l’économiser ! ». Une de ces banales phrases que je lui répète sans cesse.
À ma surprise, il a répondu : « Oui, Papynou, tu as raison, je te promets que je ferais bien attention dorénavant ! ».
Évidemment, cela aurait du me mettre la puce à l’oreille. Mais bon, vous savez bien ce que sont les rêves, nous ne sommes pas toujours très attentifs lorsque nous rêvons.
Puis, vînt le tour de ma femme. Elle revenait des courses au supermarché. Tandis que je l’aidais, sans râler, à ranger les provisions dans les placards (je vous rappelle qu’il s’agit d’un rêve !), je remarquais au milieu des sacs, un pochon en plastique rempli d’oignons blancs…
« Tu l’as vu… ?!
— Quoi donc ? Ton cul ?!
Je n’en connais pas la raison exacte, et peut-être serait-il nécessaire que je me pose sérieusement la question un jour, mais, ma femme, lorsqu’elle est présente dans l’un de mes rêves nocturnes, s’exprime toujours d’une façon très vulgaire…
— Non ! L’étiquette de tes oignons !
— Ben, quoi ? Kèsse kella cette tétiquette ?
— Ils proviennent de Nouvelle-Zélande ! Tu as acheté des oignons qui ont traversé le globe pour venir chez nous ! Te rends-tu compte, ma douce, de l’aberration que cela peut être ? Vingt-mille kilomètres dans la soute d’un cargo ! Alors que tout le monde sait pertinemment que ce mode de transport est l’un des plus polluant qui soit ! N’avons-nous pas pourtant d’adorables légumes chez nous, que ne nous soyons ainsi obligés d’en importer de l’autre bout de la planète ?
— … Ouais, c’est vrai… t’as raison… ! Le ferais plus !
— C’est bien… et pendant que tu y es, pense donc aussi à utiliser plutôt des pochons en papier pour les légumes, pochons que tu pourras d’ailleurs réutiliser plusieurs fois si tu prends soin de les conserver… et uniquement en papier recyclable, si cela est possible…
— OK ! Fr’ais bin gaffe à ça, la prochaine fois ! Promis-juré, mon gros loulou ! (elle crache sur le carrelage de la cuisine…)
— Et…
— Quoi, nankore ?
— Si tu essayais aussi de… de t’exprimer un peu plus correctement !
— Entendu ! Je n’y manquerai pas ! Plus aucun gros mot dorénavant… je surveillerai mon langage, c’est promis !
Bon, là, je dois vous dire que j’ai commencé à me douter de quelque chose de pas normal ! Que ma femme m’écoute ainsi sans broncher et ne m’envoie pas valdinguer comme un vulgaire mal-propre au bout de cinq minutes de conversation, il y avait forcément un loup qui se planquait quelque part… !
Alors, j’ai voulu tenter un truc sur mon chien. Pour voir.
« Kiki, viens mon Kiki, viens à papa… !
Il arrive, en remuant la queue, ce bâtard…
— Assis, Kiki ! Assis !
Il s’assoit… et ma surprise est grande, car c’est bien la première fois qu’il m’obéit ainsi… !
— Mais, c’est très bien ça ! Gentil toutou, mon Kiki ! Donne la papatte à papa maintenant ! Allez, la papatte !
Il me donne sa papatte, cet imbécile de clebs… Incroyable ! Cette fois-ci, je n’ai plus aucun doute… quoi que je dise et à qui je le dise, on m’écoute ! et mieux encore… on fait tout ce que je demande !
Me voici maintenant dans mon jardin. Le soleil se lève à peine et je tombe sur Raoul de l’autre côté de ma haie de thuyas du Mexique. Ce Raoul existe bel et bien dans ma vraie vie lorsque je ne dors pas comme en ce moment, et c’est effectivement un voisin de quartier. Un habitué de mes rêves, ce type. Par altération inconsciente de ma résilience à tous mes tracas quotidiens fort probablement, car je dois admettre qu’il est un peu ma bête noire… un casse-bonbon de première catégorie, une véritable calamité, un de ces redoutables pénibles de compétition que les circonstances de la vie vous foutent parfois dans les pattes sans qu’on sache bien pourquoi cela tombe sur vous ! Bref, à lui tout seul, un véritable roman ! Non, que vous dis-je, une encyclopédie en douze tomes sur la bêtise humaine !
Je passe la tête par dessus la haie et l’aborde.
« Mon cher voisin, vous voilà donc une nouvelle fois en train de passer votre tondeuse à six heures du matin, et un dimanche de surcroît, alors que vous savez pertinemment que c’est tout à fait interdit par notre règlement de copropriété !
— M’en fous ! Travaille, môa, la semaine ! Pas le temps ! Reste pas chez môa, moâaa, à faire semblant d’écrire des bouquins à la con pour des connasses qu’ont rien d’autre à foutre que de bouquiner ces conneries pendant que leurs cons de maris y bossent comme môa toute la semaine ! Alors, con, passe ma tondeuse quand j’veux d’abord, chuis chez mo-â, merde !
Ce corniaud de haute-voltige travaille comme docker au port. Docker de père en fils, chez les Raoul. Et même avant, je pense, et peut-être même depuis que les bateaux savent flotter sur l’eau. Six mois par an en grève, mon Raoul, avec tous les autres, ses copains « qu’i z’ont un métier k’est dur et kiss’on pas assez payés, nom d’Dieu d’enfants d’salauds d’patrons » ! Et pour le reste du temps en arrêt maladie… ! Bon, c’est vrai, j’exagère un peu, car parfois il lui arrive tout de même de bosser, histoire de ramener le soir à la maison deux ou trois bricoles électroniques chinoises tombées par hasard d’un container de vingt-et-un pieds, bricoles qu’il essaye ensuite de refourguer en douce, par-ci, par-là… Faut pas non plus déconner, la vie n’est pas commode pour tout le monde !
— Vous qui êtes le roi de la combine, Raoul, et si vous achetiez une de ces nouvelles tondeuses électriques ? Cela ferait déjà un peu moins de boucan, non ?
— Ouais… c’est une idée… !
— Ou mieux… du joli gazon synthétique… Plus besoin de tondre avec du gazon synthétique… et plus besoin d’arroser aussi… ! Regardez donc, ce n’est pas beau, ça… ? vous feriez de belles économies en plus !
— Ouais… c’est pas con c’que vous dites… !
— Et pendant que vous y êtes, si vous supprimiez aussi définitivement le mot « con » de votre vocabulaire ?!
— Hein ? Croyez vraiment que ça serait possible, ça, m’sieu Salgrenn ?
— Je ne sais pas, mais cela vaudrait peut-être le coup d’essayer… !
Me voici maintenant dans la rue. J’avance un peu… lorsqu’une voiture se pointe et s’arrête à mon niveau. La vitre côté passager descend, je le reconnais… c’est le maire de mon village !
— J’peux vous déposer quelque part, monsieur Salgrenn ?
— Non, merci, ça va, je préfère marcher… surtout qu’à vrai dire, je ne sais pas encore tout à fait où je vais aller très exactement… !
— Tut, tut ! Montez, vous dis-je, parce que ce n’est pas raisonnable avec cette chaleur, z’avez vu, la météo ? ils nous annoncent quarante à l’ombre pour aujourd’hui… et de l’ombre, bou diou con ! il faut la chercher par ici !
— Si on ne craint pas trop le bruit de leurs pales, il y en a un peu sous vos magnifiques éoliennes… je parle de celles que vous avez fait installer un peu partout autour de notre commune !
— Bon sang ! On ne va pas encore revenir là-dessus ! Vous savez bien que je n’ai fait qu’appliquer les ordres du préfet, monsieur Salgrenn !
— Oui, bêtement… comme un mouton bien discipliné…
— … C’est vrai, je l’avoue, mais avais-je vraiment le choix de refuser… ?
— On a toujours le choix ! Oui, toujours, croyez-moi, mon vieux… et parfois, avoir un peu de bon sens n’a jamais fait de mal à personne !
— Cela rapporte pas mal d’argent à la commune !
— Pardon ? Vous vouliez dire, je le suppose : cela ME rapporte pas mal de fric ! Car, mais arrêtez-moi si je me trompe… c’est bien vous qui êtes le propriétaire des terrains sur lesquels ces affreuses choses de plus de cent mètres de haut ont été installées ?!
— … Oui… !
— Et si on les démontait, ces horreurs ?
— Mais… comment ça… ?
— Pour les remonter ailleurs, par exemple…
— Où ça ?!
— Devant la préfecture ! Il y a justement un immense terrain vague qui ferait très bien l’affaire devant la préfecture…
— Un terrain vague ? Vous en êtes sûr ?
— Absolument ! Il suffirait d’annuler ce projet de nouveau centre commercial, un de plus, prévu à cet endroit, et qui devrait, lui aussi, rapporter pas mal de pognon à quelques amis très influents du préfet…
— Pas bête… !
— Alors, vous voyez ce que vous pouvez faire ? Je peux compter sur vous, monsieur le Maire ?
— Mais bien entendu ! Je m’en occupe tout de suite…
— Tout de suite… ? Un dimanche matin ? Je crains fort que vous ne dérangiez le préfet pendant sa partie de golf !
— M’en fiche !
— Bien… c’est vous qui voyez après tout… mais… attendez un peu… une dernière chose…
— Oui, quoi donc ?
— Une fois les éoliennes démontées… n’oubliez pas de faire replanter des arbres sur vos terrains… ce serait moche de laisser tout ça en friche !
— Oh ! Vous avez raison, je n’y aurai pas pensé tout seul… ! C’est vrai que c’est beau, un arbre… ! C’est tellement beau…
Je continue alors mon petit bonhomme de chemin, le laissant à ses nouvelles réflexions beaucoup moins mercantiles et bien plus chlorophyllées dorénavant. Mais, je n’ai pas fait trois pas en pantoufles, que voilà que je tombe sur Emmanuel Macron… ! Bien sûr, je me pince immédiatement pour voir si je ne rêverais pas, par hasard, dans mon propre rêve (oui, cela peut tout à fait arriver, je vous l’assure) ! Aie ! Et bien, non, je ne sur-rêve pas ! c’est bien lui… !
— Monsieur le Président ! Vous… ? Vous, ici… ?!
— Oui, car ma grand-tante Alexandra Plintralala habite à deux pas de chez vous, ma présence n’est donc pas si abracadabrantesque que cela dans ce coin paumé…
— Croquignolesque… aurais-je plutôt dit à votre place !
— Peut-être, mais vous n’êtes pas à ma place… !
— Mais, je n’aurai qu’à traverser la rue pour y être… !
— Soyons sérieux, monsieur !
— Je ne l’ai jamais été autant de toute ma vie ! Et tiens, je crois que vous tombez bien… Il y a justement deux ou trois petites choses qui me tiennent à cœur et que j’aimerai aborder avec vous… !
Il a l’air surpris, mon Jupiter, mais j’attaque immédiatement dans le vif du sujet, bien conscient que mon état paradoxal pourrait s’interrompre sans prévenir…
— Si on parlait un peu tout d’abord de ce fameux pouvoir d’achat qui préoccupe tant les français… ?
— Si vous y tenez…
— Très bien… commençons par parler de ces petits arrangements avec vos chers amis des Banques et de la Finance internationale… de ces fameuses actions privilégiées à dividende cumulatif… ainsi que de ces autres saloperies de crowndivesting actions ! Je pense que cela doit sûrement vous dire quelque chose, non… ?!
— Vous avez fait des études de commerce ?
— Non ! Juste suivi les cours du soir du Planning Familial… !
— Mais, qu’est-ce donc que toutes ces calembredaines ?!
Bon, bien évidemment, je ne vais pas vous infliger l’entièreté de notre conversation. Cela a duré plus d’une heure. Ce qui est, je l’admets, assez long, même dans un rêve…
Je retourne ensuite chez moi. Ma femme m’attends derrière la porte, un gros Larousse en couleurs dans les mains…
— Ah… te voilà enfin… tu rentres bien tard, mon chéri… n’es-tu pas trop fourbu d’avoir marché si longuement ? Ne veux-tu pas que je te masse un peu les pieds ? Je t’ai préparé un bon repas… que des bonnes choses bien de chez nous… une véritable capilotade auvergnate… ! Dis, mon amour, tu ne m’admonesteras pas de trop si je devais me tromper encore quelque fois dans l’emploi du subjonctif… ? Amphigourique… c’est joli, ce mot, n’est-ce pas ?! Je viens de le découvrir dans le dictionnaire… ! et celui-là… coprolalie… n’est-ce pas très exactement ce dont je souffrais avant que tu ne me le fasses si justement remarquer ? Oh… il y a tellement de belles choses à découvrir dans le dictionnaire, si tu savais ! Et les pages roses au milieu… ? As-tu déjà lu les pages roses… ? C’est absolument merveilleux, ces pages roses… !
— …
Mince… je reste un peu sur le cul, et je me demande si finalement je ne la préférais pas avant. Sa gouaille ordurière de poissonnière du quartier du Panier me manquerait déjà… ?! Insondable âme humaine…
Je sors un papelard de ma poche de pyjama et attrape le téléphone posé sur une table gigogne dans l’entrée.
— Qu’est-ce que tu fais, mon chéri ?
— Je dois appeler quelques personnes… vite… avant que je me réveille… !
— Quelques personnes… ?
— Oui ! C’est Manu qui m’a refilé tous leurs zéro-six persos… bon, je crois que je vais commencer par lui… C’est quoi déjà l’indicatif pour la Russie… ?

Dring… dring… ! ça sonne… oui, ça sonne… mais… c’est mon réveil ! Il me faut encore quelques minutes avant d’émerger totalement des vapes… j’entends ma femme qui s’active au rez-de-chaussée… elle doit certainement préparer notre petit-déjeuner… enfin, voici que je retrouve tout à fait mes esprits et me lève…
— Bonjour, mon chéri ! As-tu bien dormi ?
— Hum… ouais, ouais, si on veut… c’est quoi tout ce vacarme, dehors ? Je parie que c’est encore le voisin qui tond sa pelouse ?
— Non, pas du tout ! Je ne sais pas ce qui leur prend ce matin, mais… ils ont décidé de démonter toutes les éoliennes… !
Il faut que je me pince à nouveau… aie ! Fais chier, cette fois, c’est bien sûr… je ne dors plus… ! Je sors sur le perron, accompagné de ma femme… un gros camion passe dans la rue, une immense pale d’éolienne posée sur sa remorque…
— Dieu… ne trouves-tu pas qu’elles paraissent encore plus grandes couchées que debout ?!
— Quoi… ? Comment tu m’as appelé, là… ?

Texte et photographie Ernest Salgrenn. Juillet 2022. Tous droits réservés.

Eden-roc.

Comme tous les ans, je passe mon été à l’Eden-Roc d’Antibes. Du 1er juillet au 31 août. Et toujours la même suite de luxe du troisième étage (celle où feu madame la duchesse de Windsor aimait à séjourner souvent, loin des paparazzis et de l’agitation du monde). Le service y est remarquable, la table succulente, la piscine taillée à main d’homme dans le rocher extrêmement rafraîchissante. On peut y avoir BHL (Bi, pour les intimes…) pour voisin de transat, et je vous laisse imaginer, ce délire de ouf…
Là, je dois vous dire que j’ai une petite manie. Fort amusante au demeurant, vous l’allez voir plus loin. Ce n’est pas pour me dédouaner, mais nous noterons ensemble au passage, que bon nombre d’autres écrivains, possèdent (ou possédaient) eux-aussi, quelques manies plus ou moins originales, histoire certainement de s’aérer un peu l’esprit souvent bien encombré. Hemingway buvait sec, Cocteau, Jean, maraît, et, plus près de nous, Beigbeder, indécrottable philatéliste passionné parmi les passionnés, aime quant à lui lécher le cul de certains spécimens de timbres de sa collection, et plus précisément ceux de Colombie, ceci après avoir découvert fortuitement que la gomme arabique utilisée dans ce pays contenait une proportion non négligeable de cocaïne brute. Bref, je ne suis pas le seul à avoir des petites manies rigolotes !
Donc, pas plus tard qu’avant-hier, comme tous les premiers dimanche suivant mon installation, je me retrouve sur la plage publique de la Gravette, après que mon chauffeur (Raymond) m’y eût transporté (Plus-que-parfait du subjonctif, un temps que les moins de vingt ans ne peuvent connaître, mais qu’il me plaît à employer, juste pour faire le malin et montrer que, oui, j’ai des lettres, moi !). Vêtu d’un simple bermuda à fleurs, d’un tee-shirt « fruit’of zi loume » et coiffé d’un vieux bob « Pastis Ricard » (hérité de mon oncle Robert, demi-finaliste mille neuf cent soixante quatorze du championnat régional de pétanque du Haut-Cambrésis), parfaite panoplie pour passer inaperçu au milieu d’une populace déjà grouillante, je reste ainsi, un long moment, planté comme un gland dans les galets (oui, la plage des Gravettes est en galets), tout à savourer ce merveilleux instant de félicité. Vous l’avez compris, j’aime mater la populace estivale ! Quel plaisir indicible est-ce en effet pour moi, une journée par an (n’abusons pas tout de même des bonnes choses !) de reluquer sans aucune retenue ce petit peuple issu des classes les plus populaires et insignifiantes de notre société. Croyez-moi sur parole, cela vaut très largement un safari-photo en Afrique australe chez les Boshimans, et surtout, cela vous coûte beaucoup moins cher (nonobstant bien sûr le fait que vous pouvez trouver à loger ailleurs que dans un palace cinq étoiles).
D’ailleurs, si la chanteuse Beyoncé (celle qu’a un super boule !) a dit (mais, n’a-t-elle pas dit beaucoup de conneries, finalement) : « Shakira le vendredi, sourira le dimanche ! », ici, sur cette plage des Gravettes, noire de monde dès neuf heures du matin, c’est la fête à Nénesse ! Je jubile ! J’extase ! En un mot, je prends mon panard comme peu souvent m’est donné l’occasion ! Une véritable érection neuronale ! Un magnifique feu d’artifice ethnologique !
Quelques fois, il m’arrive même d’engager une conversation (toute proportion gardée bien entendu avec la définition exacte que l’on trouve dans le dico, au mot conversation) avec l’autochtone des plages publiques… des femelles de préférence, cette catégorie ayant de façon assez générale un vocabulaire plus étoffé que les autres individus, qui sont (mais pas toujours, c’est vrai, mais le plus souvent, dirons-nous) également beaucoup plus poilus.
Parfois, avec un peu de chance, des caissières de supermarchés discounts, bien reconnaissables à leurs ongles longs et vernissés d’une couleur différente à chaque doigt. Car, j’ai un petit faible, je l’avoue, pour ces demoiselles. Elles sont comme du pain béni pour moi, écrivain méticuleux et besogneux, toujours à la recherche de personnages réels plus vrais que nature, ceci afin d’illustrer mes histoires avec un maximum d’authenticité. Il m’arrive même de prendre des notes sur le petit carnet que je conserve dans l’une des poches de mon bermuda à fleurs (que j’ai pris soin de choisir d’au moins deux tailles au-dessus de la mienne, soucis du détail, une fois encore, et que je porte donc ample et peu serré à la ceinture, ce qui me permet ainsi de dévoiler sans pudeur le début de la raie de mes fesses ainsi que le haut de ma toison pubienne foisonnante). Je resterai ainsi des heures à les écouter, mes petites caissières. Des heures, vous dis-je…
Les mioches du peuple ne sont pas pas mal non plus. Une aubaine encore, car tous très mal élevés évidemment, véritable régal de chaque instant pour l’observateur éclairé que je suis. Laissés la plupart du temps sans surveillance par leurs parents respectifs (trop occupés à se dorer la pilule, pour les unes, et à mater le cul d’icelles, pour les autres), bruyants à la limite de l’insupportable (couvrant à peine, c’est moche, le boum-boum obsédant du poste de radio XXL tonitruant de votre (très) proche voisin de serviette, un fan de rap…), chialant, geignant sans cesse (pas mal de méduses, cette année, sur la côte d’Azur, ce qui augmente le phénomène acoustique), s’ébrouant en vous aspergeant d’eau de mer sans aucune vergogne, piétinant consciencieusement votre serviette de bain (que j’ai empruntée à l’hôtel, fort heureusement) à l’envi, déposant parfois dessus avec la négligence toute excusée de leur jeune âge, un papier d’emballage de glace à la fraise (la fraise, ainsi que la framboise, tachent, il faut le savoir), ou de chichis bien gras, achetés à l’un de ces vendeurs ambulants à petite carriole (esclaves estivaux rétribués selon un faible pourcentage sur les ventes inversement proportionnel à leur chance de déclarer dans quelques années un cancer de la peau), ceux-là même qui vous harcèlent en gueulant à tue-tête leur litanie commerciale, du matin au soir. Tout un poème, quoi… !
Quelquefois, et, le remarquai-je bien souvent, juste après le repas de midi que la plupart arrosent plus que de raison (il faut vraiment le voir pour le croire !) de bières chaudes comme de la pisse d’âne marocain, j’assiste, spectateur médusé (!), à une bagarre générale, déclenchée la plupart du temps pour des raisons futiles. Occasion inespérée d’étoffer mon vocabulaire en noms d’oiseaux plus ou moins originaux, m’interrogeant à nouveau sur l’inventivité dont peuvent faire preuve en la matière des êtres pourtant si frustres en apparence ! Une découverte linguistique que je ne raterai pour rien au monde !
Lorsque Raymond (mon chauffeur) vient me rechercher en fin d’après-midi, je suis vanné, épuisé, lessivé, mais heureux aussi… tellement heureux d’avoir eu cette chance de côtoyer pendant ces quelques heures, un monde si éloigné du mien… Alors… Vivement l’année prochaine ! Et bonnes vacances à tous !

Texte et photographie Ernest Salgrenn. Juillet 2022. Tous droits réservés.

21 Juillet 69. Fake…

L’autre jour, j’ai rencontré un connard. Un connard de complotiste. Il s’agit de mon garagiste. Mon connard de garagiste complotiste. Simple révision des vingt-mille, la vidange moteur et changement des filtres, j’y allais donc serein, les mains (gantées) tapotant sur le volant de l’Aston, un petit air de Malher (symphonie numéro 3) au bout de mes lèvres fines (rehaussées d’une moustache bien taillée).
Cet abruti (j’ai bon nombre d’autres qualificatifs à disposition, si celui-ci ne vous convenait pas) ne croît pas au Covid (on dit « la », mais le problème n’est pas là). Pour lui, tout est invention. Exit donc les millions de morts et de familles endeuillées à travers le Monde, exit les tubars qui toussent encore trois semaines (mois…) après l’avoir chopé, exit les rescapés de l’horreur des salles de réa qui ont cru voir leur dernière heure arriver, exit tous ceux qui ne le savent pas encore mais traîneront des séquelles plus ou moins lourdes jusqu’à la fin de leur existence. Exit tout ça en bloc… ! D’après lui, tout ceci n’est que du bidon, du vent, du coup monté, de la supercherie d’état bien orchestrée pour nous foutre tous dedans, parce qu’ils n’ont que ça à faire, nos élites…
Monsieur est très certainement un excellent garagiste, habile de ses mains, capable de vous caler à la lampe stroboscopique un moteur de trois cents cinquante bourrins qui a un peu trop d’avance à l’allumage, ou bien, plus subtil, de vous desserrer juste ce qu’il faut une durite de gas-oil (Mais cela fonctionne aussi très bien avec une durite de frein ou de liquide de refroidissement…), histoire d’avoir l’assurance de vous revoir dans quinze jours (on connait tous, bien sûr, la petite combine, mais on se fait avoir à chaque fois !), cependant, monsieur demeure malgré tout un pauvre handicapé de la cervelle ! Et accessoirement, un putain de criminel en puissance…
Pourquoi, je dis ça ? Parce qu’évidemment monsieur, l’innocent aux mains pleines de cambuis, se contrefiche comme de sa première clé à mollette du respect des gestes barrières. Cela le fait chier de faire comme tout le monde, nous, les moutons qui ne comprenons rien. Évidemment. Monsieur sait bien plus de choses que nous. Monsieur sait la Vérité (celle avec une majuscule). Monsieur est mieux informé que nous. Monsieur va sur internet, mais pas n’importe où bien sûr, il a ses sources vérifiées, ses sources fiables, ses sources qui ne racontent pas de conneries, elles, comme tous ces suppôts de Satan que sont devenues les autres, celles bien officielles. Et vous, du coup, vous n’êtes qu’un con avec votre masque sur le pif, votre flacon de gel hydro-alcoolique en permanence dans votre poche, et qui sent pourtant bon la menthe ou le jasmin d’été, votre petit recul lorsqu’on tente de vous faire la bise, ou encore votre ridicule check, le poing fermé, lorsque vous dites bonjour à un pote, et, bien entendu, ne l’oublions pas (et là, c’est le pompon suprême de votre terrible ignorance !) votre saloperie de vaccin tout trafiqué et qui n’est pas bon du tout pour votre santé… Un con, voilà ce que vous êtes ! Un pauvre con qui n’a pas encore compris (mais ça viendra bien, il le sait…) qu’on voulait vous rouler dans la farine depuis le début (le virus n’existe pas, mais toutefois il a été inventé dans un laboratoire chinois… cherchons l’erreur… !). Monsieur affirme donc que le Covid ce n’est rien du tout, que monsieur l’a chopé, comme tout le monde (!) et qu’il s’en est super bien sorti, même pas le nez qui a coulé, rien, pas une quinte, juste un peu mal à la tête, et qu’il a continué à bosser sans rien dire à personne, comme si de rien n’était… Monsieur a vaincu la maladie, tout seul comme un grand, et il en est fier… ! Très fier…
L’Aston tourne sur trois pattes depuis cette dernière visite au garage. Elle freine moins bien aussi. J’ai comme un doute…

Texte et photgraphie Ernest Salgrenn. Juillet 2022. Tous droits réservés.

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